Bonjour, et bienvenue dans Ludonomics, la newsletter sur ce qui fait bouger l’économie mondiale. Je suis Ludovic Subran, chef économiste de l’assureur Allianz. Je vous donne rendez-vous toutes les semaines dans votre boîte mail. Suivez-moi également sur X.
FYI
Le fossé atlantique persiste
Le T3 2024 a marqué le cinquième trimestre consécutif de croissance des bénéfices pour les entreprises du S&P 500, avec une augmentation de 8,8 %. Cependant, les résultats sont mitigés.
Les entreprises ayant une forte exposition internationale, notamment les Magnificent 7 — Microsoft, Nvidia, Tesla, Meta, Apple, Alphabet et Amazon — ont surperformé avec une croissance des bénéfices d'environ 13 %, contre 2 % pour celles à revenus principalement domestiques.
Les secteurs des services de communication et de la santé ont été les principaux moteurs de cette croissance.
Revenus
La croissance des revenus pour le T3 2024 a atteint 5,3 %, soutenue par les secteurs de la technologie de l'information, de la santé et des services de communication.
Cependant, seulement 61 % des entreprises ont dépassé les attentes en matière de revenus, un chiffre inférieur à la moyenne historique.
Le secteur de la santé s'est distingué avec des revenus largement supérieurs aux prévisions, tandis que le secteur de l'énergie a enregistré la plus forte baisse de revenus en raison de la faiblesse des prix du pétrole.
Optimisme aux US
Les analystes prévoient une croissance robuste des bénéfices pour le S&P 500 avec des augmentations annuelles de 9,8 % et 17,6 % attendues pour les quatrièmes trimestres de 2024 et 2025, respectivement.
Les ratios cours/bénéfices (P/E) prospectifs restent élevés, reflétant un optimisme malgré des défis dans certains secteurs comme l’énergie et les matériaux. La fin des élections américaines et une nouvelle baisse des taux par la Fed ont réduit l'incertitude des investisseurs, permettant une meilleure confiance pour 2025.
Les initiatives de relocalisation de Trump devraient stimuler les PME axées sur le marché domestique, avec une croissance des bénéfices projetée entre 30 % et 50 % sur deux ans.
Baisse des revenus en Europe
En Europe, les entreprises du Stoxx 600 ont enregistré une croissance des bénéfices de 8,8 % en glissement annuel, mais les revenus sont en baisse.
Les bénéfices ont dépassé les prévisions de 4 %, mais la croissance des revenus reste décevante, avec une contraction de 1,7 % au T3. C’est le sixième trimestre consécutif de contraction des revenus, principalement en raison d’une faible performance dans les secteurs de la finance, de l’énergie et de la consommation discrétionnaire.
Les analystes prévoient une reprise de la croissance des revenus d'ici la fin de l'année. Cette perspective relativement optimiste reste néanmoins incertaine, particulièrement dans le contexte des politiques de relocalisation que Trump risque de promulguer pendant son mandat.
Nous pensons que les marchés des actions devraient rester positifs au cours des deux prochaines années, mais à condition que les bénéfices restent positifs et s'accélèrent dans des régions clés telles que la Chine et la zone euro.
Recommendation
Benaouda Abdeddaïm, éditorialiste international à BFM Business, vous propose un regard décentré sur l’actualité mondiale dans sa nouvelle newsletter — L’envers du globe.
ICYMI
‘Drill baby drill’
L'élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis risque de sensiblement impacter les prix de l'énergie et la transition énergétique.
Tout d'abord, Trump est susceptible de rétablir des sanctions contre l'Iran, ce qui pourrait faire grimper les prix mondiaux du pétrole de 10 % à court terme. Bien qu'il ait promis de réduire les prix des carburants, il est peu probable qu'il y parvienne par une augmentation de la production nationale, car les États-Unis produisent déjà des niveaux record de pétrole, atteignant une moyenne de 13 millions de barils par jour en 2023.
Les tensions géopolitiques au Moyen-Orient, notamment dans le détroit d'Ormuz où passe un cinquième du pétrole mondial, pourraient également influencer l'approvisionnement et les prix mondiaux du pétrole.
Un retour de Trump pourrait également influencer le marché mondial du gaz naturel liquéfié (GNL). Les États-Unis sont devenus le principal fournisseur de GNL de l'Europe, compensant partiellement le recul du gaz russe.
Sous une administration Trump, la croissance des exportations de GNL pourrait être renforcée par la réduction des obstacles réglementaires et le développement des infrastructures, ce qui pourrait faire baisser les prix du GNL en Europe de plus de 15 % sur cinq ans. Cependant, la politique étrangère américaine, notamment sa position sur la guerre en Ukraine, pourrait entraîner de la volatilité sur les marchés.
Le retour de Trump risque de freiner la transition énergétique. Sa première administration a annulé de nombreuses réglementations environnementales, et ce nouveau mandat pourrait signifier un recul des initiatives de durabilité mises en place sous Biden.
La transition vers les énergies renouvelables est donc susceptible de ralentir en raison d’une augmentation potentielle des investissements dans le charbon et le pétrole au détriment des projets solaires et éoliens. Le Fonds de défense de l'environnement a averti qu'un renversement des politiques climatiques pourrait compromettre l'engagement des États-Unis à réduire les émissions de gaz à effet de serre dans le cadre de l'Accord de Paris.
Productivité carbone
L'économie mondiale devient plus verte, mais pas assez rapidement. À la clôture de la dernière conférence sur le climat à Bakou (COP 29), il est temps de faire le point sur les changements observés après des décennies de conférences climatiques.
Le constat est décevant : l'économie mondiale n'a pas réussi à accélérer significativement son processus de verdissement. La productivité carbone, ou la quantité de PIB mondial produite par kg d'émissions, a augmenté : en 1990, elle était de 1,84 USD par kg d'émissions puis elle a atteint 3,13 USD en 2023, soit un gain de productivité verte d'environ 70 %.
Cependant, cette progression n'a pas accéléré, ce qui est crucial pour limiter le réchauffement climatique et atteindre la neutralité carbone d'ici 2050. Même l'accord de Paris n'a pas suffi à stimuler cet élan, n’ayant suscité qu’une légère augmentation de la croissance annuelle de la productivité carbone.
Au niveau régional, l'Europe est en tête, avec une productivité carbone de 7,50 USD/kgCO2, contre 1,96 USD/kgCO2 pour la Chine et 4,14 USD/kgCO2 pour les États-Unis. Cependant, les gains européens ont un coût économique élevé, en partie à cause de la délocalisation d'industries intensives en CO2 vers des pays comme la Chine.
De plus, la hausse des coûts énergétiques en Europe, exacerbée par la guerre en Ukraine et la réduction des livraisons de gaz russe, a impacté les industries énergivores, notamment en Allemagne, contribuant à une croissance économique faible dans les années 2020.
L'objectif de neutralité carbone d'ici 2050 semble ambitieux. Selon les dernières estimations du NGFS, la croissance du PIB devrait se poursuivre à un taux moyen de 2,4 % par an, rendant l'économie mondiale presque 90 % plus grande d'ici 2050, tandis que les émissions de gaz à effet de serre devraient atteindre zéro.
Cela nécessiterait une croissance exponentielle de la productivité carbone, impliquant des avancées technologiques sans précédent dans de nombreux secteurs. Par ailleurs, une baisse des émissions pourrait également résulter d'une croissance économique ralentie en raison de l'aggravation des risques physiques.
Merci à Philippine Renaudie pour son aide dans la préparation de cette édition. On vous retrouve la semaine prochaine.