La confiance au sein de la zone euro

Mais aussi - BCE, constructeurs automobiles en Europe.

Ludonomics
4 min ⋅ 11/12/2024

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Zone euro : la confiance, clé pour débloquer la consommation

La consommation des ménages dans la zone euro n'a pas suivi le rythme de la reprise économique post-pandémique.

À la fin du T2 2024, les dépenses privées n'étaient que 2 % au-dessus des niveaux de fin 2019, alors que le PIB avait rebondi à +4,2 %. Malgré la baisse des taux d'intérêt et l'augmentation des salaires réels, les ménages européens ont choisi de renforcer leurs économies plutôt que d'augmenter leurs dépenses.

Cette prudence s'explique par plusieurs facteurs, notamment l'incertitude persistante quant aux perspectives macroéconomiques, les effets durables de l'inflation élevée entre 2022 et 2023 sur le sentiment des consommateurs et les événements géopolitiques proches de l'UE. Les intentions d'épargne ont atteint des niveaux historiques, alimentées par une incertitude accrue due à la guerre en Ukraine.

Aux États-Unis, la consommation privée dépasse de 11 % les niveaux pré-Covid, grâce à une croissance du revenu disponible qui a surpassé l'augmentation de la dette. En Europe, les perceptions des ménages quant à la tendance des prix restent élevées malgré un ralentissement de l'inflation. Les prix de l'alimentation et du logement, qui représentent une grande partie des dépenses des ménages, sont encore bien au-dessus des niveaux pré-pandémiques.

La croissance économique dans les grandes économies européennes est hétérogène : elle est faible ou inexistante en Allemagne, en France et en Italie, mais solide en Espagne grâce aux exportations de services. Le chômage reste inférieur aux niveaux pré-pandémiques en France, en Italie et en Espagne, mais pas en Allemagne, où l'industrie est en difficulté.

L'érosion de la richesse des ménages, due à l'inflation élevée et à une politique monétaire restrictive, est notable, surtout en France. En Allemagne et en Italie, l'inflation a souvent dépassé la croissance des salaires, freinant la consommation, notamment dans l'hôtellerie. La hausse des taux d'intérêt depuis mi-2022 a également entraîné une baisse des prix de l'immobilier et un léger accroissement des investissements résidentiels.

Les taux d'épargne restent élevés en Europe, tandis qu'ils ont chuté aux États-Unis. Les Européens remboursent principalement leurs dettes, et l'on observe une augmentation des transactions financières dans les investissements résidentiels.

À l'avenir, le marché du logement pourrait connaître une reprise avec une demande accrue de prêts hypothécaires et une inflation des prix des logements. Deux scénarios pourraient se dessiner : l’investissement immobilier pourrait éclipser la consommation privée, ou bien la baisse des taux d'intérêt pourrait stimuler à la fois l'investissement immobilier et la consommation privée.

Cependant, certains facteurs pourraient peser sur les dépenses des ménages, notamment les mesures de consolidation budgétaire des gouvernements et la normalisation de la croissance des salaires. La confiance des consommateurs est également mise à mal par l'incertitude politique domestique et internationale.

En Allemagne et en Italie, la combinaison d'une consolidation budgétaire et d'un resserrement du marché du travail incite les consommateurs à épargner davantage. Les populations vieillissantes ne feront qu'aggraver cette tendance à long terme. Les décideurs européens vont donc devoir élaborer des plans crédibles pour surmonter les défis cycliques et structurels auxquels la zone euro est confrontée, et promouvoir à la fois la consommation et l'investissement.


ICYMI

BCE : Vers une quatrième baisse de taux dans un contexte économique assombri

La BCE procèdera certainement à sa quatrième baisse de taux de l'année lors de sa réunion du 12 décembre, en abaissant le taux de dépôt de 25 points de base à 3,0 %.

Les données économiques récentes se sont révélées plus faibles que prévu et les préoccupations concernant l'inflation se sont atténuées. Le contexte économique est devenu plus incertain en raison de facteurs tels que, entre autres, la désormais attendue guerre commerciale ou encore l'instabilité politique en Allemagne et en France.

Les tendances inflationnistes présentent un tableau contrasté : bien que l'inflation globale ait augmenté à 2,3 % (en glissement annuel) en raison d’effets de base, l'inflation sous-jacente s'est stabilisée à 2,7 %. L'inflation des services a diminué à -0,1 %, son niveau le plus bas depuis 2021.

Avec la disparition progressive des effets de base, l'inflation globale devrait passer sous la cible de 2,0% à partir de janvier. La dépréciation de l'euro ne devrait pas avoir d'impact significatif sur l'inflation, notamment en raison de la baisse des prix du pétrole. La croissance des salaires s'est également modérée, contribuant à ce processus de désinflation.

Par ailleurs, les indicateurs économiques, tels que les PMIs, suggèrent une contraction des secteurs manufacturiers et des services, reflétant une incertitude croissante, notamment après l'élection présidentielle américaine.

Le taux de chômage se maintient à un niveau historiquement bas de 6,3%, indiquant que le marché du travail reste relativement stable. Cependant, l'augmentation des taux de vacance laisse entrevoir un affaiblissement du marché du travail.

La BCE devrait donc poursuivre un cycle de réduction des taux à chacune de ses réunions, atteignant un taux terminal de 2 % d'ici juin 2025.


Le problème du CORE pour les constructeurs automobiles européens (consommation, surproduction, revenus, transition énergétique)

L'industrie automobile européenne traverse une période difficile, marquée par des résultats décevants au troisième trimestre et des annonces de réductions de coûts, de licenciements, de fermetures d'usines et de réorganisations des conseils d'administration.

Les démissions du directeur financier de Nissan et du PDG de Stellantis illustrent les défis auxquels le secteur est confronté, malgré des performances exceptionnelles l'année dernière. La demande mondiale a faibli, notamment en raison du ralentissement des économies japonaise et chinoise, tandis que les ventes de véhicules électriques stagnent. Les immatriculations de nouveaux véhicules ont diminué de plus de 1 % par rapport à l'année dernière.

Le secteur est également confronté à une baisse dramatique de la rentabilité, notamment pour les fabricants orientés vers l'Allemagne et les États-Unis. Sur une base annuelle, le bénéfice d'exploitation de cinq grands constructeurs européens et américains a chuté d’entre 20 et 40 %, des chiffres surpassant amplement la baisse de 5 % des ventes de véhicules.

L’excédent d’offre est un problème majeur, en particulier en Allemagne, où les coûts d'inventaire explosent. Volkswagen, par exemple, détient des stocks équivalents à 80-90 jours de chiffre d'affaires, bien au-dessus de ses concurrents comme Renault, Toyota ou GM.

Les constructeurs européens doivent également faire face à une concurrence accrue, à des comportements changeants des consommateurs et à une durée de vie des voitures plus longue. Le développement de l'automatisation et de la numérisation, bien que crucial pour accroître la productivité, doit être abordé avec prudence car les syndicats du secteur restent très puissants.

La compétitivité des constructeurs européens est ainsi mise à mal par rapport à leurs homologues américains, japonais et chinois, principalement en raison de la dépendance aux batteries chinoises et des coûts élevés des véhicules électriques.

Les réglementations environnementales européennes imposent des objectifs ambitieux de réduction des émissions de carbone, ce qui pourrait également entraîner des sanctions sévères sur les fabricants européens. Bien que ceux-ci tentent de retarder l'application de ces normes, il est peu probable qu'ils réussissent (et ils ne feront que retarder l’échéance s’ils y parviennent). A la mi-2024, seul le constructeur Volvo était aligné avec les futurs standards européens.

Enfin, les risques tarifaires liés à une potentielle vague de protectionnisme sous la présidence de Trump pourraient également affecter le secteur.

L'industrie automobile européenne est à un carrefour critique, confrontée à de nombreux défis structurels et à une baisse de 30 à 40% des actions de certaines grandes entreprises depuis le début de l'année.


Merci à Philippine Renaudie pour son aide dans la préparation de cette édition. On vous retrouve la semaine prochaine.

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Par Ludovic Subran

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