Ludonomics

La newsletter essentielle pour comprendre les actualités qui font bouger les marchés et l'économie par Ludovic Subran, chef économiste de Allianz.

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Par Ludovic Subran
19 nov. · 3 mn à lire
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En Chine, un plan de relance qui déçoit

Mais aussi : what's next pour l'Allemagne, et le Brésil brûle

Bonjour, et bienvenue dans Ludonomics, la newsletter sur ce qui fait bouger l’économie mondiale. Je suis Ludovic Subran, chef économiste de l’assureur Allianz. Je vous donne rendez-vous toutes les semaines dans votre boîte mail. Suivez-moi également sur X.


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En Chine, un plan de relance qui décçoit

La Chine a annoncé un plan de relance très attendu, d'un montant de 10 000 milliards de RMB sur cinq ans (€1300 milliards environ), axé sur la dette des gouvernements locaux. Ce plan sur cinq ans vise à intégrer une partie de la dette implicite des gouvernements locaux dans le bilan du gouvernement central, avec une augmentation du plafond de la dette locale de 2 000 milliards de RMB (€260 milliards) par an de 2024 à 2026, et une allocation de 800 milliards de RMB (€ 104 milliards) par an sur cinq ans à partir des quotas d'émission d’obligations spéciales des gouvernements locaux.

Déception des marchés

Les marchés ont été déçus par l'absence de mesures pour stimuler rapidement la croissance, ce qui a entraîné une dépréciation du yuan de -2,9% par rapport au dollar et une correction des marchés onshore et offshore de respectivement -3,2% et -6,6% par rapport à leurs récentes hausses. Les actifs liés à la demande intérieure chinoise, comme le pétrole et le minerai de fer, continuent de subir des pressions à la baisse.

Alors que les attentes portaient sur un stimulus fort centré sur la croissance, le plan annoncé vise plutôt à résoudre un problème structurel lié à la dette des gouvernements locaux, dont les finances sont restées sous pression en raison de la pandémie de Covid-19 et de la crise immobilière.

Ce plan devrait ainsi réduire la dette implicite des gouvernements locaux à 2 300 milliards de RMB (€299 milliards) d'ici 2028 et diminuer les coûts de service de la dette de 600 milliards de RMB (€78 milliards) sur cinq ans. Il donnera lieu à des économies relativement négligeables à court terme, mais son objectif est en réalité de résoudre le risque structurel d'une crise financière, ce qui soutiendra la croissance à long terme.

Un ralentissement en 2025 et 2026

Les mesures d'assouplissement budgétaire annoncées depuis septembre devraient permettre une amélioration modérée de l'économie dans les mois à venir, bien qu'un ralentissement soit prévu pour 2025-2026. Les récentes données montrent une légère baisse de la production industrielle, une stabilisation de l'investissement et une reprise des ventes au détail.

Avec des fonds non utilisés engagés d'ici la fin de l'année, la croissance du PIB pour 2024 pourrait atteindre l'objectif officiel d’environ 5 %, avec toutefois un effet de report plus fort que prévu en 2025. Nous nous attendons donc à ralentissement global après 2024, avec une croissance du PIB de 4,6 % en 2025 et de 4,2 % en 2026.

Une relance de la consommation est nécessaire

Pour que les marchés retrouvent confiance, le gouvernement chinois devra envoyer des signaux plus clairs et prendre des mesures audacieuses pour revitaliser l'économie, en mettant davantage l'accent sur la stimulation de la consommation.

La Chine va faire face à des défis croissants avec le retour de Trump pour un second mandat, car l'économie, largement tirée par les exportations ces dernières années, pourrait souffrir des tarifs supplémentaires promis par Trump.

La faible demande intérieure et les pressions déflationnistes persistantes pèsent sur la croissance économique et les bénéfices des entreprises, soulignant le besoin urgent de soutenir davantage la consommation, une mesure que le gouvernement hésite à adopter.

De nouvelles politiques pourraient être annoncées d'ici le printemps prochain, mais les consommateurs ne devraient pas avoir de trop hautes attentes. La semaine dernière, des indications ont été données sur un soutien futur à la recapitalisation des banques, au secteur immobilier et à la consommation des ménages.

Cependant, les annonces récentes montrent que les mesures axées sur les ménages et les consommateurs ne sont toujours pas prioritaires.


ICYMI

Allemagne : what’s next ?

En novembre 2024, la coalition gouvernementale allemande s'est effondrée en raison de désaccords sur le budget 2025 et les politiques économiques du pays. Le SPD et les Verts dirigeront un gouvernement minoritaire jusqu'à un vote de confiance prévu le 16 décembre, que Scholz devrait perdre, entraînant des élections anticipées le 23 février 2025.

Le paysage politique allemand, de plus en plus polarisé et fragmenté, pourrait prolonger la stagnation économique actuelle du pays et réduire de moitié la croissance du PIB en 2025. Cette incertitude pèse sur l'économie, mais les politiques économiques risquent de rester indécises jusqu'à la formation d'une nouvelle coalition après les élections.

La confiance des consommateurs est déjà fragilisée par une forte inflation, et une hausse de l'incertitude pourrait encore l'affaiblir.

Par ailleurs, une nouvelle guerre commerciale avec les États-Unis, sous l'impulsion de Trump, pourrait menacer le modèle économique allemand, qui repose fortement sur les exportations. Les tensions commerciales pourraient réduire les exportations allemandes, déjà sous pression en raison de la fragmentation des chaînes d'approvisionnement mondiales, d’un protectionnisme croissant et de la concurrence chinoise. Une réorientation économique est donc nécessaire, mais difficile à réaliser.

Un gouvernement de grande coalition dirigé par la CDU pourrait apporter plus de stabilité, mais la politique budgétaire restera probablement restrictive jusqu'à mi-2025, limitant les initiatives de soutien de l’économie. Les prévisions de croissance sont de -0,1 % pour 2024, +0,4 % pour 2025 et +0,9 % pour 2026.

L'Allemagne doit entreprendre des réformes structurelles majeures pour améliorer ses perspectives économiques et sa productivité. Deux stratégies sont envisagées : augmenter les dépenses pour stimuler l'économie tout en finançant des transitions structurelles, ou adopter des réformes axées sur la compétitivité. Une combinaison des deux serait probablement la plus efficace.

Un « Agenda 2030 » est nécessaire pour unir les acteurs politiques et industriels, avec des investissements massifs dans la transformation verte, les infrastructures et l'innovation. Des réformes démographiques et fiscales, telles que l'augmentation de l'âge de la retraite et la simplification de l'impôt, sont également cruciales. L'Allemagne doit également adopter une perspective européenne pour relever collectivement ces défis et transformer son modèle économique basé sur la mondialisation.

Le Brésil brûle 

Les incendies de forêt représentent une menace croissante pour les écosystèmes, la biodiversité, les économies et les communautés, notamment en Amérique du Sud. Au Brésil et en Bolivie, des millions d'hectares brûlent chaque année, compromettant des zones cruciales comme l'Amazonie.

En 2024, le Brésil a enregistré une augmentation significative des incendies : +51 % en Amazonie, près de +70 % dans le Cerrado et plus de +600 % dans le Pantanal par rapport à 2023.

Ces incendies sont attisés par le changement climatique, car les sécheresses rendent la végétation plus inflammable. Le Brésil, avec une anomalie de température moyenne de +1,2 °C (par rapport aux niveaux de températures de 1950-1979), est particulièrement vulnérable à ce changement, en particulier avec le phénomène El Niño qui intensifie les conditions sèches et chaudes.

La déforestation, second moteur majeur des incendies, est alimentée par l'expansion agricole, l'élevage de bétail et les projets d'infrastructure. Elle expose davantage les terres au feu en supprimant le couvert forestier qui retient l'humidité.

Depuis 2012, la déforestation s'est accélérée, notamment au Pará et au Mato Grosso, où plus de 30 % des forêts ont disparu entre 1988 et 2023. En 2019, une augmentation de 39 % des incendies a été observée, générant des particules fines nuisibles à la santé publique.

L'agriculture, en particulier la production de bœuf et de soja, est la principale source de cette déforestation. En 2020, la production de bœuf a entraîné la déforestation de 949 000 hectares, et le soja 417 000 hectares.

Bien que le soja, essentiel pour le biodiesel, soutienne la politique nationale de développement des biocarburants, son expansion est corrélée à l’augmentation de la déforestation et donc du nombre d’incendies. Le soja est ainsi un exemple typique du défi de concilier développement économique et préservation de l’environnement.


Merci à Philippine Renaudie pour son aide dans la préparation de cette édition. On vous retrouve la semaine prochaine !