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Les entreprises se préparent à une guerre commerciale
Face au retour de Donald Trump et à l’attente d’une guerre commerciale, nous prévoyons un ralentissement du commerce mondial en 2025-2026.
Après une récession (en valeur) en 2023, le commerce mondial devrait connaître une reprise modérée en 2024, avec une croissance de +3,6% en volume, soutenue par le réapprovisionnement des entreprises et le renouvellement des achats de biens durables par les ménages. Cependant, cette dynamique pourrait être perturbée par l'anticipation de hausses tarifaires sous la nouvelle administration américaine.
Cette anticipation favorisera le commerce mondial au premier semestre 2025, avant que les effets de la guerre commerciale contenue ne se fassent sentir à partir de la seconde moitié de 2025 et pleinement en 2026. Par conséquent, la croissance du commerce mondial en volume devrait atteindre +2,8% en 2025 et +2,3% en 2026, soit des révisions à la baisse par rapport aux à nos précédentes prévisions.
Concernant les prix à l'exportation (en dollars), l'environnement déflationniste observé depuis 2023 devrait se poursuivre jusqu'en 2025, les exportateurs absorbant en partie l'impact des tarifs plus élevés pour maintenir leurs parts de marché. Ainsi, en termes de valeur USD, les prévisions sont davantage révisées à la baisse, avec une croissance prévue à +2,3% en 2025 et +4,1% en 2026.
Les données sur le fret maritime et le commerce confirment que les exportateurs anticipent les hausses tarifaires à venir. Les exportations chinoises, soutenues par les commandes américaines, ont augmenté de +6,7% en novembre.
Les importations américaines en provenance de Chine ont également accéléré depuis l'été, notamment pour certains biens de consommation précédemment ciblés par des hausses tarifaires. Depuis la victoire de Trump, les tarifs de fret maritime ont augmenté de +14%, ce qui indique que les entreprises cherchent à sécuriser leurs livraisons face aux incertitudes commerciales.
La demande de fret aérien a également grimpé, notamment en raison de la saison des fêtes et de la hausse du commerce électronique. Les routes internationales ont transporté environ 2,93 millions de tonnes de fret entre janvier et octobre, soit une augmentation de +48,5% par rapport à 2019.
Des ajustements de taux de change et de futurs accords de libre-échange pourraient offrir un léger répit au commerce mondial dans les années à venir, mais ils ne suffiront probablement pas à compenser l'impact d'une guerre commerciale. Depuis fin septembre, le dollar américain s'est apprécié, ce qui pourrait théoriquement rendre les importations moins chères pour les entreprises et les consommateurs américains.
Cependant, les hausses tarifaires prévues augmenteront le coût des importations. Dans ce contexte, le yuan chinois s’est déjà déprécié de 3,3% entre fin septembre et le 11 décembre, mais il lui faudrait chuter de 7,2% pour compenser un tarif de 25% sur certains produits chinois.
Malgré les tensions commerciales, de nombreux accords de libre-échange continuent d'être négociés, comme le partenariat UE-Mercosur, et l'adhésion du Royaume-Uni au CPTPP, qui pourrait générer environ 1,3 milliard de dollars de gains à l'exportation.
Cependant, ces gains ne compenseront pas les pertes britanniques à l’export causées par la guerre commerciale, estimées à 2,8 milliards de dollars entre 2025 et 2026. A l’échelle mondiale, ces pertes pourraient atteindre 135 milliards de dollars, voire 510 milliards en cas de guerre commerciale totale.
Partenariat commercial avec Interbev
Du Mercosur au défi de la souveraineté alimentaire, les sujets ne manquent pas pour les filières agricoles. Le site Agriculture Circulaire entend laisser la parole à ceux qui font et pensent l’agriculture en plaçant l’élevage herbager au cœur de la réflexion. Dans le dernier article pour Agriculture Circulaire, Yannis Constantinidès prend une perspective historique et philosophique sur la consommation de viande. C’est à lire ici.
ICYMI
La baisse de taux de Noël de la Fed
La Fed s'apprête à effectuer sa troisième baisse de taux consécutive, bien que la désinflation semble marquer le pas aux Etats-Unis. La Fed devrait réduire le taux des fonds fédéraux de 25 points de base pour atteindre une fourchette de 4,25-4,5 % cette semaine, bien qu'il existe un risque non négligeable qu’elle marque une pause dans son cycle de réduction de taux.
En effet, le processus de désinflation a stagné ces derniers mois. Depuis juin, certaines mesures sous-jacentes d'inflation sont restées autour de +3,3/3,2 % en glissement annuel et ont même accéléré sur une base mensuelle.
De plus, le marché du travail semble avoir cessé de se relâcher, comme en témoignent l’arrêt de la baisse du taux de démissions dans le secteur privé et l’augmentation des rémunérations des employés des PME.
La Fed devra accepter un taux de chômage légèrement plus élevé, car l'augmentation de ce taux est principalement due à une forte croissance de la population active, plutôt qu'à un affaiblissement de la croissance de l'emploi. Cette croissance de la population active semble elle-même être causée par une nouvelle vague d'immigration.
Par ailleurs, les mesures de la tension du marché du travail et le faible taux de licenciements privés semblent confirmer que la Fed ne devrait pas s'inquiéter de l'augmentation du chômage. Cependant, l'inflation persistante et la pression sur les salaires indiquent que le taux de chômage naturel pourrait être légèrement supérieur à l'estimation de la Fed de 4,2 %.
A l'avenir, un potentiel environnement inflationniste en 2025 pourrait inciter la Fed à mettre fin à son cycle de baisse des taux dès mars prochain. Certaines politiques de la prochaine administration, telles que des politiques d'immigration strictes et des hausses tarifaires, pourraient maintenir l'inflation au-dessus de l'objectif.
La Fed devrait donc faire une pause dans les baisses de taux lors de la réunion de janvier 2025, avant d'effectuer une dernière baisse de 25 points de base en mars, portant le taux des fonds fédéraux à une fourchette de 4-4,25 %.
2024 : année record pour les défaillances d’entreprises
Au troisième trimestre 2024, les défaillances d’entreprises ayant un chiffre d'affaires supérieur à 50 millions d'euros ont atteint un niveau record, avec plus d'un cas par jour.
Le nombre de défaillances majeures dans le monde a bondi à 127 cas, soit une augmentation de 17 par rapport au trimestre précédent et de 42 par rapport à la moyenne pré-pandémique (2017-2019) de 82 cas. Cela représente le deuxième total trimestriel le plus élevé depuis le début de notre suivi en 2015.
Depuis le début de l'année, les défaillances majeures ont augmenté de 26 % en glissement annuel, totalisant 344 cas sur les trois premiers trimestres de 2024. Le chiffre d'affaires combiné des grandes entreprises insolvables a augmenté de 48 % en glissement annuel pour atteindre 40 milliards d'euros, renforçant la tendance observée au deuxième trimestre.
L'Europe occidentale est en tête de la reprise en ce qui concerne le nombre de cas, tandis que les Amériques abritent les défaillances des plus grandes entreprises. L'Amérique du Nord et l'Asie se distinguent quant à elles par un nombre de cas relativement stable.
Les secteurs les plus touchés sont les services et le commerce de détail, notamment en Europe de l’Ouest et en Amérique du Nord, ainsi que la construction, là encore principalement en Europe de l’Ouest, mais également en Asie. Les trois secteurs ayant le plus contribué au nombre total de cas sont tous concentrés sur le vieux continent : il s’agit des services, du commerce de détail et du secteur de la construction.
Les défaillances des entreprises avec un chiffre d'affaires dépassant 1 milliard d'euros sont restées élevées. L'année 2024 s'annonce déjà comme une année record pour les défaillances majeures, dont le nombre dépasse déjà les totaux de 2015 à 2022 (à part 2020). Cette augmentation des défaillances majeures pousse également à la hausse le risque d'un effet domino sur les fournisseurs et sous-traitants.
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Merci à Philippine Renaudie pour son aide dans la préparation de cette édition.