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On reviendra sur les conséquences de Trump 2, mais retrouvez déjà notre édition (mars) sur le sujet ici.
FYI
Croissance de la zone euro au troisième trimestre
L’économie de la zone euro a connu une croissance de +0,4% (en glissement trimestriel) au T3 2024, après +0,2% au T2, principalement portée par la consommation tandis que les exportations nettes ont a priori moins soutenu la croissance qu’au premier semestre.
Pour le troisième trimestre consécutif, la zone euro affiche une croissance nettement positive, marquant la fin d'une longue période de stagnation en 2023. Nous estimons que cette croissance légèrement au-dessus du potentiel va se poursuivre, refermant progressivement l’écart de production négatif.
La croissance devrait être soutenue par la consommation - elle-même portée par la croissance des salaires réels - et l’investissement, bien que son ralentissement actuel dans la région risque de se poursuivre. Les exportations nettes devraient également donner un coup de pouce, tandis que la consommation publique risque de freiner la croissance, compte tenu du resserrement budgétaire en cours dans de nombreux pays.
Par ailleurs, l’inflation s’est avérée plus élevée que prévu en octobre, passant de 1,7% en septembre à 2,0% (en glissement annuel). Certains effets de base sont entrés en jeu, mais c’est encore une fois l’inflation des services qui n’a pas réussi à décélérer et est restée à 3,9%. La déflation de l’énergie s’est quant à elle poursuivie, atteignant les -4,6% en glissement annuel.
Quelques détails sur les « Big Four » de la zone euro :
ALLEMAGNE • Le PIB allemand a surpris à la hausse, avec une croissance de +0,2% (en glissement trimestriel) au T3 2024, principalement en raison d’un rebond dans la consommation des ménages, qui était restée faible au cours des précédents trimestres. Celle-ci provient d’une amélioration de la confiance des consommateurs, alimentée par une croissance positive des salaires réels.
Le secteur manufacturier reste néanmoins en récession. L’inflation est quant à elle passée de +1,6% à 2,0% entre septembre et octobre, une augmentation légère qui ne remet pas en cause les pressions déflationnistes dans les prix de l’énergie. L’inflation sous-jacente a néanmoins augmenté de 0,2pp, indiquant le retour de pressions à la hausse sur l’inflation.
FRANCE • L’économie française a connu une croissance solide de +0,4% au T3, soutenue par la production et la consommation de services liés aux JO (ventes de billets et de droits de diffusion principalement). Cependant, la croissance sous-jacente, excluant les effets des JO, n’est que de +0,2% selon l’INSEE.
L’inflation en octobre atteignait les +1,2%, un chiffre très bas, bien que 0,1 pp plus élevé qu’en septembre. La déflation de l’énergie a légèrement ralenti, tandis que l’inflation des services a atteint son niveau le plus bas depuis février 2022.
ITALIE • L’économie italienne a stagné au T3, en deçà de nos attentes ainsi que celles du consensus d’une croissance à +0,2%. La composante domestique a contribué positivement à la croissance, tandis que les exportations nettes ont freiné l'activité globale.
L’inflation a légèrement repris en octobre, atteignant les 0,9% contre 0,7% le mois précédent, principalement en raison de l’augmentation des prix de la nourriture, qui ont contrecarré la baisse de ceux de l’énergie.
ESPAGNE • L’Espagne continue de se démarquer en termes de performance économique, affichant une nouvelle expansion de +0,8% au T3. Son PIB est désormais 6,6% au-dessus de son niveau pré-covid et l’économie espagnole croît deux fois plus rapidement que la moyenne de la zone euro. En octobre, l’inflation a augmenté de 0,3pp par rapport au mois précédent, atteignant les 1,8%, principalement en raison d’augmentations des prix de l’énergie (électricité, gaz, carburant).
ICYMI
La Fed prend son temps
Après une réduction surprise de ses taux de 50 points de base en septembre, la Fed devrait annoncer une réduction moins rapide de 25 points de base lors de sa prochaine réunion aujourd’hui. Ce ralentissement s’expliquerait par une inflation sous-jacente encore tenace aux Etats-Unis tandis que les risques baissiers pour le marché du travail et l'économie américaine semblent contenus.
Depuis septembre, les indicateurs économiques se sont globalement alignés avec notre prévision de résilience économique aux Etats-Unis : le PIB a augmenté de 2,8 % annualisé au T3, le marché du travail est resté résilient, avec un taux de chômage passant de 4,3% en juillet à 4,1 % en septembre, et l'inflation globale a baissé, notamment en raison des prix de l’énergie, se rapprochant de l'objectif de 2 % de la Fed.
L’inflation sous-jacente quant à elle est restée tenace, notamment dans les services et les loyers, avec un IPC stable de 3,3% (en glissement annuel) depuis juin.
Nous nous attendons donc toujours à ce que la Fed mette en œuvre une réduction de taux de 25 points de base lors de sa prochaine réunion les 6-7 novembre, suivie de réductions de 25 points de base à chaque réunion jusqu'en juin 2025, ce qui ramènerait le taux des fonds fédéraux dans une fourchette de 3,25-3,5 %.
Cette approche graduelle, adaptée aux risques de surchauffe de l’économie, est aussi justifiée par la prudence de la Fed en cas d’une victoire de Trump aux élections présidentielles, car l’inflation pourrait nécessiter une inversion rapide de cette politique.
Le relâchement des conditions de financement, tel qu’indiqué dans notre indice hebdomadaire des conditions financières (FCI), n’a pas ravivé les pressions inflationnistes jusqu'à présent, mais l'atténuation de certains facteurs soutenant l'offre, tels que l'immigration élevée, indique que la Fed maintiendra probablement des taux élevés dans ce cycle.
En effet, contrairement à la BCE qui est confrontée à une baisse de l'inflation et à une faible croissance du PIB dans les pays de la zone euro, la Fed a bénéficié, en partie, du fait que le côté offre de l'économie a été stimulé par d'importants flux d'immigration.
Ceux-ci ont soutenu la croissance de la force de travail, qui n'est pas encore pleinement reflétée dans les statistiques officielles. Si les conditions financières restent aussi lâches qu'aujourd'hui, la diminution des flux d'immigration pourrait faire augmenter l'inflation de 0,2 pp en 2025.
Budget au Royaume-Uni
Comme prévu, le budget d'automne du gouvernement travailliste britannique reposera sur de nouvelles augmentations d'impôts pour financer des investissements publics supplémentaires et des services publics tels que le NHS (système de la santé publique). Les principales mesures de ce budget sont les suivantes :
Augmentation progressive des impôts jusqu'à 40 milliards de livres sterling, avec une hausse modérée de 1,6 milliard de livres en 2024-25 suivie d’une forte augmentation à partir de 2026.
Augmentation des contributions à l'assurance nationale (NI), épargnant toutefois les petites entreprises.
Introduction d'une TVA de 20 % sur les frais de scolarité des écoles privées à partir de janvier 2025.
Augmentation de l'impôt sur les plus-values (CGT), sauf pour la vente de résidences principales.
Augmentation de l'allègement fiscal pour la cession d'actifs commerciaux.
Augmentation significative du financement des services publics, y compris le NHS, et des investissements en capital (infrastructure, construction…). Le gouvernement promet des investissements additionnels via le National Wealth Fund, le fonds souverain nouvellement créé du Royaume-Uni.
Légers allègements fiscaux pour les entreprises.
Suppression de l'augmentation prévue de la taxe sur les carburants et maintien d'une réduction temporaire de 5 pence par litre pendant une autre année.
La politique budgétaire restera restrictive l'année prochaine, et sera expansionniste en 2026 du côté des dépenses, bien que cela soit largement compensé par les fortes augmentations d'impôts. Ainsi, le ratio investissement/PIB atteindra en 2026 son plus haut niveau depuis 1992 (19,6%), et le ratio recettes/PIB atteindra les 39,1 % d'ici 2026.
Globalement, nous pensons que l’impact net du budget sera positif pour les perspectives de croissance à court terme : en 2025, nous estimons un ralentissement de la croissance de -0,5 pp en raison de la politique budgétaire, suivi d'un coup de pouce de +0,4 pp en 2026.
L'augmentation des contributions à l'assurance nationale, principale source de revenus de ce budget, sera négative pour l'économie car elle augmente les coûts de main-d'œuvre pour les employeurs et réduit les salaires nets des employés, diminuant ainsi les incitations au travail.
Du côté des dépenses, l'augmentation prévue des investissements en capital est clairement positive pour l'économie britannique, qui a un stock de capital bas et obsolète.
Merci à Philippine Renaudie pour la préparation de cette édition. On vous retrouve la semaine prochaine.