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FYI
Les politiques de Trump créeront de l’inflation, mais à quel point ?
Le second mandat de Trump aura un impact significatif sur l’inflation américaine et la politique monétaire, particulièrement si les Républicains remportent le Congrès.
Prochains évènements clés
Tiercé gagnant: le Parti Républicain conserve sa majorité à la Chambre des représentants. Aux Etats-Unis, le Congrès (Chambre des représentants et Sénat) a autorité sur une grande partie des politiques fiscales, budgétaires, d'immigration et de régulation.
Les étapes clés de la politique intérieure incluent la fin de l'exercice fiscal 2024-25 et l'expiration du TCJA (« Tax Cuts and Jobs Act ») à la fin de 2025 si le Congrès ne les renouvelle pas. Trump poussera pour de nouvelles réductions d'impôts, comme il l'a promis pendant la campagne, et le renouvellement complet du TCJA.
En ce qui concerne la politique monétaire, Trump a été très versatile, critiquant régulièrement Powell. Dans ce contexte, la fin du mandat de Powell à la tête de la Fed en mai 2026 et son remplacement seront des points clés à surveiller.
Sur le plan international, Trump s’est engagé à mettre en œuvre de fortes augmentations des tarifs douaniers, y compris contre le Mexique. La mise à jour de l'USMCA en juillet 2026, lorsque les États-Unis, le Mexique et le Canada se réuniront, pourrait également modifier les relations commerciales entre les trois pays.
Croissance
À court terme, nous prévoyons une augmentation de la croissance aux États-Unis, stimulée par des effets de confiance positifs.
Nous estimons que ceux-ci avaient soutenu la croissance trimestrielle annualisée du PIB d'environ +0,2 pp à la fin de 2016 et au début de 2017, après la première élection de Trump.
Nous nous attendons à ce que des effets de confiance similaires se manifestent à la fin de 2024 et au début de 2025, soutenant un fort élan de croissance aux États-Unis.
Budget
Trump a promis de nouvelles réductions d'impôts pour les ménages et les entreprises, ainsi qu'une augmentation des dépenses de défense, de sécurité intérieure et des subventions aux industries non vertes et de construction.
Cependant, le financement de ces mesures reste incertain, avec des économies potentielles et de nouvelles sources de revenus incluant des réductions budgétaires discrétionnaires, l'abrogation de lois de Biden et de nouvelles recettes douanières.
Il est néanmoins peu probable que le Congrès républicain accepte d'abroger l'Inflation Reduction Act ou de réduire significativement les programmes de prestations comme Medicare et Medicaid. En conséquence, les promesses de Trump pourraient augmenter le déficit budgétaire américain.
Une expansion budgétaire importante financée par la dette semble limitée, et un assouplissement budgétaire net d'environ 0,5 % du PIB est plus probable. En cas de guerre commerciale de grande ampleur, le déficit budgétaire pourrait être réduit grâce à de fortes recettes douanières, mais il se détériorerait en 2026 avec la relance budgétaire de Trump et la prolongation du TCJA.
Immigration
La politique d'immigration, tant illégale que légale, sera probablement fortement durcie, augmentant l'inflation. Environ 1 million de personnes pourraient être expulsées sur deux ans, bien moins que les 8 millions annoncés par Trump, en raison de l'opposition qu’il recevra de la part des entreprises dépendantes d’une main-d'œuvre étrangère.
Une politique stricte d'immigration pourrait faire augmenter l'inflation de 0,2 pp en 2025 et de 0,4 pp en 2026, en raison de la hausse des coûts de main-d'œuvre qu’elle génèrerait. La croissance du PIB serait également affectée, jusqu'à -0,4 pp en 2026, en raison d'une baisse mécanique de la demande et de l'offre de main-d'œuvre.
Politique monétaire
Avec le contrôle du Sénat, les Républicains influenceront le choix du prochain président de la Fed pour remplacer Jérôme Powell. Cependant, un président de la Fed plus politisé rencontrera l'opposition des membres votants du FOMC, ce qui indique que l'indépendance de la Fed ne devrait pas être altérée.
Les marchés financiers pourraient toutefois percevoir une influence politique accrue, ce qui pourrait augmenter l'inflation de 0,2 à 0,3 pp en 2025-26. Dans ce contexte, avec un gouvernement et un Congrès républicains, l'inflation est prévue à 2,9 % en 2025 et 3,4 % en 2026, tandis que la croissance du PIB resterait peu affectée. La Fed devrait arrêter de réduire ses taux en avril 2025 et les maintenir à 4 % plutôt que 3,5% en raison d’une inflation plus élevée.
ICYMI
Sur les marchés financiers, un regain de confiance de courte durée
Après l'élection de Donald Trump, le dollar américain a initialement gagné en valeur par rapport à l'euro et d'autres grandes devises (telles que le Yuan chinois et le Yen japonais), en raison d’attentes de politiques d’assouplissement monétaire à l'étranger en réponse aux restrictions commerciales des Etats-Unis.
À l'avenir, les taux à long terme aux États-Unis devraient rester élevés en raison des pressions inflationnistes et d'un déficit budgétaire inchangé, tandis qu'en Europe, la croissance des rendements allemands à moyen terme restera limitée par une politique monétaire accommodante de la BCE et un faible niveau d’offre.
En cas de guerre commerciale, les taux américains pourraient d'abord augmenter puis baisser en raison du ralentissement économique généré par ces mesures, tandis que les rendements obligataires allemands pourraient diminuer davantage d'ici 2026.
Les actifs risqués américains ont réagi positivement à l'élection de Trump, en raison d’attentes de politiques pro-entreprises et de réductions d'impôts, particulièrement dans des secteurs comme l'énergie, la finance et l'industrie. Cependant, en Europe, cet optimisme initial a été vite nuancé par des préoccupations liées aux tarifs douaniers et au reshoring américain que Trump risque d’implémenter.
A l’avenir, les réductions d'impôts devraient stimuler la croissance des bénéfices des entreprises américaines, en particulier pour les PME, dont la production et les bénéfices sont davantage concentrés aux États-Unis. Cette dynamique pourrait entraîner une surperformance des entreprises en dehors des grandes capitalisations dominantes, rendant le marché moins concentré et réduisant l'écart de valorisation actuel.
Néanmoins, une reprise similaire à celle de la première présidence de Trump est peu probable car les valorisations américaines sont déjà très élevées, limitant leur potentiel de hausse, le marché reste également très concentré autour de géants technologiques (« Magnificent 7 ») et que le contexte économique actuel est plus incertain.
Les prévisions de rendement pour les actions américaines ont été relevées de 3 pp pour la fin de l'année, mais sans changement structurel pour la zone euro et les marchés émergents. Une volatilité accrue est attendue, et les marchés américains devraient surperformer par rapport au reste du monde à partir de 2026.
Guerre commerciale : contenue ou à grande échelle ?
Pendant la campagne électorale de 2024, Trump a promis d'imposer un tarif douanier à l’importation de 10 % sur tous les partenaires commerciaux des États-Unis, et de 60% sur la Chine.
Cependant, en raison de la forte dépendance des États-Unis aux produits chinois, notamment dans les secteurs technologiques, textiles et chimiques, une élimination progressive des importations chinoises semble peu réaliste à court terme.
Trump devrait donc augmenter les tarifs douaniers dès le T2 2025 par décret, mais de manière progressive, augmentant d’abord les tarifs de moitié par rapport à ce qui a été promis, (soit 25 % pour la Chine et 5 % pour le reste du monde).
Les biens critiques devraient néanmoins être exclus de cette hausse, ainsi que le Mexique et le Canada, bien que des barrières non tarifaires, comme des contrôles aux frontières, puissent s'intensifier. Globalement, l'impact sur la croissance du PIB américain devrait rester modéré, avec une baisse moyenne de 0,2 pp en 2025, l'appréciation du dollar compensant une partie de l'impact inflationniste.
L'augmentation des tarifs américains aura des répercussions mondiales, notamment sur la Chine, dont la croissance du PIB pourrait diminuer de 0,1 pp en 2025 et de 0,3 pp en 2026. En Europe, les pertes commerciales pourraient réduire la croissance annuelle du PIB réel de 0,1 pp, principalement dans les secteurs de l'automobile, des équipements de transport et des métaux, qui représentent environ 20 % des exportations vers les États-Unis. Le secteur pharmaceutique, bien qu'exposé, ne devrait pas subir de choc commercial majeur. Au global, cette guerre commerciale pourrait coûter environ 0,1 pp à la croissance mondiale.
Dans un scénario plus extrême, les Etats-Unis pourraient lancer une guerre commerciale totale, avec des tarifs augmentés à 60 % contre la Chine et à 10 % pour le reste du monde, y compris le Mexique et le Canada. Cela semble peu probable, car les coûts économiques seraient importants : une baisse de 1,2 pp de la croissance américaine et une augmentation de l'inflation de 0,6 pp.
Les représailles des autres pays pourraient réduire la croissance mondiale de 0,8 pp, la ramenant à 2 %, un taux similaire aux crises de 2008 ou 2001. La croissance pourrait diminuer de 0,5 pp en 2025 et de 1,1 pp en 2026 en Chine, et d'au moins 0,3 pp en Europe.
Merci à Philippine Renaudie pour son aide dans la préparation de cette édition. On vous retrouve la semaine prochaine !