Bonjour, et bienvenue dans Ludonomics, la newsletter sur ce qui fait bouger l’économie mondiale. Je suis Ludovic Subran, chef économiste et CIO de l’assureur Allianz. Je vous donne rendez-vous toutes les semaines dans votre boîte mail. Suivez-moi également sur X.
FYI
Les grandes tendances des marchés des capitaux en 2025 en 5 questions
Les rendements à 10 ans des obligations d’Etat et les taux directeurs des banques centrales vont-ils de nouveau diverger en 2025 ?
Non.
En 2024, plusieurs grandes banques centrales ont amorcé un pivot de politique monétaire, en réduisant leurs taux directeurs, de 100 points de base pour la Fed et la Banque centrale européenne (BCE), et de 50 points pour la Bank of England (BoE).
Cependant, les rendements des obligations à 10 ans ont augmenté, notamment de 30 points de base en Allemagne et de 70 points de base aux États-Unis. Cela s'explique par le fait que les rendements à long terme sont souvent influencés par les taux futurs attendus, plutôt que par les taux actuels.
Pour 2025, nous prévoyons à nouveau une corrélation positive, avec une baisse des rendements à 10 ans en Europe et aux États-Unis, tandis que la BCE devrait réduire ses taux de 100 points de base supplémentaires et la Fed de 25 points de base.
Pour la Fed, les prévisions de baisse des taux ont été révisées à la baisse ces derniers mois en raison des pressions inflationnistes renouvelées provoquées par les droits de douane et l’expansion budgétaire annoncés par la nouvelle administration américaine, qui invitent à une approche prudente.
En 2025, les rendements des obligations d’Etat françaises resteront-ils supérieurs à ceux de la Grèce ?
Oui.
La situation politique en France, caractérisée par l'absence de majorité claire, a compliqué la gestion du déficit, entraînant une hausse des rendements exigés par les marchés, dépassant ceux observés en Espagne, au Portugal et même en Grèce. Sans solution fiscale claire, les rendements des obligations françaises devraient rester au-dessus de ceux de la Grèce, mais inférieurs à ceux de l’Italie.
Les actions américaines vont continuer à surperformer en 2025 ?
Oui.
Après un gain de 23% en 2024, les actions américaines affichent une forte résilience. Cette performance est soutenue par le leadership des États-Unis dans des secteurs clés tels que l’intelligence artificielle, la relocalisation industrielle, la géopolitique et les investissements dans la défense.
Ce leadership mondial, combiné à une économie interne robuste, soutient la performance des actions américaines, qui dominent le marché mondial depuis près de 25 ans.
Ceci dit, la prime de valorisation des actions américaines par rapport au reste du monde suscite des inquiétudes quant à leurs performances futures.
Les écarts de spread sur les crédits d’entreprise vont-ils continuer à se creuser par rapport à leurs niveaux historiquement bas ?
Non.
En 2024, les marchés de crédit d’entreprise ont fait preuve d’une grande résilience, maintenant des écarts faibles dans les segments de crédit investissement (IG) et à haut rendement (HY), grâce à des fondamentaux solides et une forte demande des investisseurs.
Les rendements obligataires chinois vont-ils devenir inférieurs à ceux du Japon ?
Oui.
L'année 2024 a marqué un moment historique avec le rendement des obligations d'État chinoises à 10 ans tombant pour la première fois sous la barre des 2%.
Malgré les efforts du gouvernement pour renforcer la confiance des marchés et orienter les flux de capitaux vers le marché boursier, les rendements continuent d’atteindre des niveaux historiquement bas, en raison des attentes d’une faiblesse prolongée des fondamentaux économiques, d’une pression déflationniste persistante et d’un environnement de liquidité de plus en plus accommodant dans le cadre d’un nouvel assouplissement monétaire — rappelant les dynamiques observées dans l'économie japonaise au cours de ses "décennies perdues".
Pendant ce temps, le rendement des obligations d'État japonaises à 10 ans suit une trajectoire opposée. Les rendements des obligations d'État chinoises à 30 ans ont déjà été inférieurs à ceux du Japon en 2024 pour la première fois, et nous prévoyons que cela continue en 2025.
Partenariat commercial avec InterBev
Du Mercosur au défi de la souveraineté alimentaire, les sujets ne manquent pas pour les filières agricoles : l’élevage herbager dispose d’un potentiel clé pour construire une agriculture circulaire. Dans le dernier article pour le site Agriculture Circulaire, l’ingénieur agronome Marc Benoît se penche sur les bienfaits de ce modèle : les prairies permanentes ne sont pas seulement bénéfiques pour la biodiversité, mais elles permettent également de consolider le modèle économique agricole. C’est à lire ici.
ICYMI
La crise énergétique en Europe : saison 2 ?
Depuis le début de l'hiver 2024, les prix du gaz naturel en Europe ont connu une hausse continue.
La fin de l'approvisionnement en gaz russe via l'Ukraine et le pipeline Brotherhood a particulièrement affecté la Hongrie et la Slovaquie, qui bénéficiaient jusque-là d'exemptions de sanctions européennes et pouvaient importer du gaz russe.
Néanmoins, le principal facteur derrière la hausse des prix pour l'ensemble des pays européens est la vague de froid qui frappe le continent, contrastant avec les hivers plus cléments des années précédentes.
Cette situation a provoqué une réduction des stocks de gaz, qui s’élevaient à 56% à la fin mars 2023 et à 58% à la fin mars 2024. Si la consommation reste soutenue tout au long de l'hiver, les niveaux de stockage pourraient chuter à seulement 30-40% d'ici mars 2025, nécessitant l'achat de grandes quantités de gaz pour reconstituer les réserves, ce qui entraînerait inévitablement une nouvelle augmentation des prix.
Par ailleurs, l'incertitude concernant la politique commerciale de l'administration Trump en matière d’exportations de gaz naturel liquéfié et la concurrence des acheteurs asiatiques pourrait accentuer cette pression, contraignant l'Europe à acquérir du gaz à des prix encore plus élevés en 2025.
Le train Chine-Europe : une alternative de plus en plus crédible pour le commerce international
Le transport ferroviaire entre la Chine et l'Europe a gagné en attractivité ces dernières années, en grande partie en raison des disruptions causées par la guerre en Ukraine et des vulnérabilités du transport maritime face aux tensions géopolitiques au Moyen-Orient.
Récemment, un traité ferroviaire a été signé entre la Chine, le Kirghizistan et l'Ouzbékistan, permettant de relier les couloirs ferroviaires centraux, et ainsi d'étendre un réseau reliant l'Asie centrale au couloir du nord passant par le Kazakhstan, la Russie et la Biélorussie.
Cette initiative montre l’expansion rapide du transport ferroviaire entre la Chine et l’Europe, qui a vu une augmentation significative des volumes de trafic au cours des dix dernières années, atteignant 2,7 millions de conteneurs équivalents vingt pieds (EVP) entre janvier et novembre 2024 contre 1.9 millions en 2023.
Le transport ferroviaire devient de plus en plus compétitif en termes de délais de livraison et de coûts. Un trajet entre la Chine et l'Allemagne peut désormais être réalisé en 10 à 20 jours par rail, contre 30 à 40 jours par bateau.
Bien que l'avion demeure plus rapide, le rail reste 30 à 50% moins cher, ce qui en fait une solution idéale pour des secteurs tels que l’électronique, l’automobile, la pharmacie et les produits de luxe, où la rapidité est un atout stratégique.
Le train se positionne ainsi de plus en plus comme un moyen de faire face aux risques qui affectent les chaînes d'approvisionnements.
Merci à Perrine Levin pour son aide dans la préparation de cette édition. On vous retrouve la semaine prochaine.