Que penser du budget 2025 ?
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La semaine dernière, le Premier ministre François Bayrou a fait adopter un budget 2025 modéré, en recourant à l'article 49.3. Ce budget écarte de nombreuses réductions de dépense proposées par le gouvernement de Michel Barnier. Plusieurs mesures impopulaires ont également été exclues, conciliant rigueur budgétaire et soutien politique.
Concernant les recettes, le budget maintient d’importantes mesures fiscales. La surtaxe sur les grandes entreprises et un taux d'imposition minimum de 20 % pour les ménages à hauts revenus sont conservés. La surtaxe s'appliquera uniquement en 2025 (contrairement aux 2 années proposées par Michel Barnier). Pour les entreprises dont le chiffre d'affaires est compris entre 1 et 3 milliards d'euros, le taux d'imposition passera de 25 % à 30,2 %, et celles qui dépassent les 3 milliards d'euros verront leur taux passer à 35,3 %.
L'impact sur les entreprises françaises devrait être limité, car cette mesure concerne principalement les grandes entreprises, dont une large partie des revenus provient de l'international. En revanche, les petites entreprises dont les revenus sont majoritairement générés en France subiront un impact plus marqué.
Le budget repose sur des prévisions optimistes de croissance et de recettes fiscales, augmentant les risques de dérive budgétaire. Les dépenses liées aux retraites et à la santé — représentant plus de la moitié des dépenses publiques totales — continuent d'augmenter sans contrôle strict, alimentant l'incertitude.
Le gouvernement prévoit un déficit public de 5,4 % du PIB en 2025, contre 6 % en 2024, mais cette estimation semble optimiste.
Nos prévisions indiquent plutôt un déficit de 5,7 % du PIB, en raison d'une croissance économique plus modeste en 2025 (0,7 % contre les 0,9 % attendus) et des recettes fiscales potentiellement sous-estimées, les hausses d'impôts risquant d'inciter les entreprises à mieux optimiser leur fiscalité.
Les hypothèses du gouvernement concernant une maîtrise des dépenses de santé et des dépenses des collectivités locales semblent peu réalistes.
Une politique de réduction du déficit basée uniquement sur des hausses d'impôts pourrait être contre-productive. La France supporte déjà une charge fiscale élevée, notamment dans le secteur industriel, où les cotisations sociales et les taxes de production représentent 18 % de la valeur ajoutée brute — bien plus que dans de nombreux pays voisins.
Cette politique risquerait d'éroder la compétitivité du pays, de réduire les incitations à investir et à embaucher, et d'aggraver les problèmes économiques en freinant la croissance et en compliquant la réduction du déficit à long terme.
Les terres rares et les énergies fossiles sont au cœur des tensions économiques, avec la Chine en tête de course.
Les États-Unis s’en préoccupent également. Le Groenland — vis-à-vis duquel Trump ne cache plus ses ambitions expansionnistes — est riche en pétrole, gaz, uranium, et comporte 1,5 million de tonnes de minéraux rares (8e plus grande réserve mondiale).
Ces développements renforcent la spéculation sur certaines matières rares.
Les tensions sur l'approvisionnement devraient s'intensifier dans les prochains mois, augmentant les risques de hausse du prix des métaux rares. Depuis novembre 2024, les prix de l'aluminium ont augmenté de 1 %, ceux du lithium de 6 % — bien que toujours très en dessous des niveaux de fin 2022 — tandis que le nickel a baissé de 1 % et le cobalt a chuté de 11 %.
L'or, quant à lui, a connu un essor, attirant investisseurs et banques centrales. Cette attractivité s’explique en partie par les incertitudes liées aux tensions politiques, comme le potentiel virage protectionniste de l'administration américaine.
Si le dollar demeure largement dominant dans le système financier, l'or prend de l'importance en tant que valeur refuge, notamment pour les pays confrontés à des sanctions ou des tarifs douaniers élevés. Les achats d'or ont atteint un niveau record au quatrième trimestre 2024.
Les incertitudes persistantes autour du commerce international impactent négativement l'investissement privé et dégradent les perspectives de croissance, tant aux États-Unis qu'en Europe. Cela confirme notre prévision d'une baisse des rendements obligataires d'ici la fin de l'année, malgré la volatilité élevée observée depuis décembre.
Cette volatilité représente une opportunité pour les investisseurs cherchant à se positionner sur des obligations à long terme, dont le profil rendement/risque est actuellement favorable. Pour rappel, le prix d'une obligation évolue inversement par rapport au taux d'intérêt : lorsque le risque perçu augmente, le taux monte et le prix baisse, et inversement.
Aujourd'hui, les rendements aux États-Unis et en Allemagne sont parmi les plus élevés des dix dernières années, offrant un potentiel de gains plus élevé que celui des pertes. Nous identifions un point d'entrée intéressant à 4,8 % pour les obligations américaines à 10 ans et à 2,8 % pour celles à 10 ans en Allemagne.
En comparaison avec 2010, les rendements obligataires sont aujourd'hui plus élevés, tandis que la prime de risque des actions est plus faible, rendant ces dernières moins attractives par rapport aux obligations souveraines, surtout aux États-Unis.
En cas de récession, la corrélation entre actions et obligations pourrait redevenir négative, comme par le passé.
En analysant la courbe des taux actuelle, nous repérons des opportunités sur les obligations à long terme, particulièrement pour les Bunds allemands à 10 ans et les bons du Trésor américain sur la tranche 7-20 ans. L'augmentation de l'écart entre les taux d'intérêt à long terme et à court terme rend ces obligations particulièrement intéressantes, avec à la clé un rendement attractif et des gains potentiels en cas de baisse des taux.
Ces obligations représentent donc une bonne couverture contre une correction des actions, actuellement surévaluées et vulnérables face à une contraction des perspectives économiques.
Merci à Perrine Levin pour son aide dans la préparation de cette édition. On vous retrouve la semaine prochaine.