La Chine à l’aube d’un tournant décisif

Dans cette édition, on parle de la Chine, mais aussi de l'Allemagne de Merz et de la earnings season.

Ludonomics
4 min ⋅ 10/03/2025

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La Chine à l’aube d’un tournant décisif

Le marché boursier chinois superforme depuis le début de l’année, malgré un environnement macroéconomique difficile.

Les mesures de relance prises par le gouvernement ont initialement été jugées insuffisantes, en raison d’une consommation domestique faible et de la menace des tarifs américains, ce qui a entrainé une correction du marché après le rallye de septembre dernier.

Toutefois, l’allégement des tarifs douaniers américains a apporté un certain soulagement, tandis qu'une percée inattendue dans le modèle d’intelligence artificielle économique de DeepSeek a ravivé l'optimisme.

Depuis mi-janvier, les actions chinoises ont rebondi de +13,1 %, surpassant les États-Unis et l’Europe. Elles ont également contribué à une surperformance rare des actions des marchés émergents par rapport aux marchés développés, en raison du poids important de la Chine dans l'indice de référence.

Cependant, une divergence notable persiste entre les marchés boursiers onshore (Chine continentale) et offshore (à l’étranger). La progression du marché offshore repose principalement sur l'expansion des valorisations et la performance d’un nombre restreint de titres, en particulier les géants technologiques les plus pondérés dans l’indice MSCI Chine, qui inclut des entreprises cotées en Chine et à l’international.

Malgré ces gains, les perspectives de bénéfices restent fragiles : le nombre d’entreprises abaissant leurs prévisions demeure largement supérieur à celles les révisant à la hausse, bien que l’écart se soit réduit ces dernières semaines.

Les perspectives des entreprises chinoises dépendront largement de la capacité du dernier plan fiscal du gouvernement, de 2 900 milliards de RMB (environ €369 milliards), à stimuler la demande intérieure. Lors des Deux Sessions du 5 mars, Pékin a maintenu l'objectif de croissance du PIB pour 2025 à « environ 5 % », tout en abaissant l'objectif d'inflation à « environ 2 % », perçu davantage comme un plafond.

Le gouvernement chinois s’efforce d'augmenter la demande intérieure, avec des mesures telles que l'augmentation des salaires des fonctionnaires, des subventions aux ménages, et une relance ciblée dans les secteurs de la consommation.

Les enjeux d’une économie renaissante sont d’autant plus importants dans un contexte de guerre commerciale renouvelée avec les États-Unis. Après l'augmentation des droits de douane américains de 10 points de pourcentage en mars, la Chine a réagi par une série de mesures de rétorsion.

Cependant, en opposition aux Etats-Unis, la China semble limiter sa réponse, sans dévaluer le yuan et semble chercher à rouvrir les négociations avec les États-Unis pour limiter l'impact des tarifs.


ICYMI

La nouvelle ère allemande

La CDU/CSU et le SPD, partenaires potentiels d'une future coalition en Allemagne, proposent une réforme audacieuse pour augmenter les dépenses de défense en contournant le « Schuldenbremse », qui limite le déficit fédéral à 0,35 % du PIB.

Cette exemption permettrait un financement plus important de la défense, avec une hausse des dépenses de 2,1 % à 3 % du PIB, soit 40 milliards d'euros supplémentaires financés par la dette. Ce plan pourrait générer une croissance économique de 0,5 % à 1,4 % par an.

L'économie allemande fait face à des défis majeurs, accentués par des réformes lentes et des tensions géopolitiques. Le pays doit financer des investissements massifs : la décarbonisation (4,4 % du PIB sur cinq ans), les infrastructures (3,5 %), l’éducation (2,7 %) et la défense (2,2 %). Ces dépenses pourraient sortir l’Allemagne de la stagnation d’ici 2027, avec une croissance estimée entre +0,5 % et +2,4 % entre 2025 et 2027.

Le « Plan ReArm Europe » récemment annoncé prévoit également d’augmenter les dépenses militaires dans l’UE. L’activation de la clause d’exception du Pacte de stabilité permettrait d’exclure ces dépenses des critères budgétaires, libérant potentiellement 650 milliards d’euros.

Cependant, ces mesures comportent des risques inflationnistes et nécessitent une majorité parlementaire, incertaine dans un paysage politique fracturé. En réaction, les rendements obligataires allemands à 10 ans ont bondi de 30 points de base, un record depuis les années 1990. La volatilité des marchés devrait rester élevée en attendant la décision du Parlement.

Résultats du Q4 : la fracture transatlantique s'accentue

La situation économique mondiale n’a pas réussi à affecter la croissance des bénéfices, même si les secteurs cycliques peinent à se maintenir. Les revenus ont enregistré une croissance modeste de +2,6 % d'une année sur l'autre au quatrième trimestre, avec des hausses de volumes et de prix limitées.

Les bénéfices ont bondi de 10,7 %, grâce aux stratégies de réduction des coûts, de préservation de liquidités et d'optimisation des opérations. L’adoption de l’intelligence artificielle et des services cloud a également joué un rôle clé.

Les entreprises américaines continuent de surperformer. 64% des entreprises ont dépassé leurs prévisions de revenus, et 62% celles des bénéfices, ce qui est un écart notable par rapport au reste du monde.

Cette performance est en grande partie due à la robustesse de la consommation des ménages, soutenant l'activité industrielle, avec une croissance des revenus de 5,0 % pour les entreprises américaines contre 2,6 % à l’échelle mondiale.

Toutefois, l'impact des nouveaux tarifs douaniers sur les importations en provenance de Chine, du Mexique et du Canada pourrait peser sur les marges américaines, en particulier dans les secteurs technologiques, automobiles et pharmaceutiques.

L’Europe reste, elle, à la traîne. Après six trimestres de baisse, les entreprises européennes ont enregistré une faible croissance de +2,4 % des revenus au Q4. Sans le secteur de l’énergie, cette croissance aurait été de +4,4 %.

L’Allemagne reste un point faible, avec une baisse des revenus de -0,7 %. Les prévisions de bénéfices pour la région continuent d’être révisées à la baisse, soulignant les défis structurels persistants en Europe face à la résilience américaine.


Merci à Perrine Levin pour son aide dans la préparation de cette édition. On vous retrouve la semaine prochaine.

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Par Ludovic Subran

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