Comment relancer la croissance en Allemagne ?

Les propositions des différents partis en matière de politique économique

Ludonomics
4 min ⋅ 25/02/2025

Bonjour, et bienvenue dans Ludonomics, la newsletter sur ce qui fait bouger l’économie mondiale. Je suis Ludovic Subran, chef économiste et CIO de l’assureur Allianz. Je vous donne rendez-vous toutes les semaines dans votre boîte mail. Suivez-moi également sur X.


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Élections en Allemagne et croissance économique

L’Allemagne fait face à des défis économiques majeurs. Son modèle économique basé sur les exportations est mis à rude épreuve par les coûts de la transition énergétique, le protectionnisme et le vieillissement démographique. Après une deuxième année consécutive de récession, la stagnation prévue pour 2025 accentue les inquiétudes.

Durant la campagne électorale, deux thèmes ont dominé : l’immigration et la relance économique. Le prochain gouvernement devra gérer les dossiers non résolus par la précédente coalition et redéfinir le rôle de l'Allemagne dans l'alliance transatlantique.

Les partis politiques ont multiplié les promesses, mais celles-ci sont-elles en mesure de relancer la croissance sans trop creuser les déficits ? Les réformes fiscales, les investissements et les ajustements des retraites proposés ont un coût élevé : 230 milliards d’euros pour l’Union, 227 milliards pour les Verts et 205 milliards pour le SPD. Dans un contexte de restrictions budgétaires, financer ces mesures sans creuser la dette reste un défi.

La CDU/CSU souhaite réduire la charge fiscale en abaissant l’impôt sur les sociétés et en supprimant la surtaxe de solidarité. Le SPD privilégie une réforme de l’impôt sur le revenu qui bénéficierait à 95 % des contribuables, tandis que les Verts souhaitent relever l’abattement fiscal de base. Si ces mesures encouragent le travail et la consommation, elles risquent aussi de creuser les déficits.

L’investissement privé est un levier clé pour la croissance. La CDU/CSU mise sur une baisse de l’impôt sur les sociétés, tandis que le SPD et les Verts proposent des primes d’investissement.

Tous les partis s’accordent sur la nécessité d’augmenter les investissements publics, notamment dans les infrastructures électriques et le logement. Un Fonds Allemagne de 25 milliards d’euros d’investissements annuels pourrait stimuler la croissance et générer des recettes fiscales supplémentaires.

Un autre défi majeur est la pénurie de main-d’œuvre. Afin de favoriser l’emploi après l’âge légal de la retraite, la CDU/CSU propose une allocation mensuelle défiscalisée pour les retraités actifs, alors que le SPD et les Verts veulent couvrir les cotisations sociales de ces derniers.

S’attendre à que la croissance seule absorbe les déficits budgétaires est illusoire. Sans mesures de financement complémentaires, la mise en œuvre des programmes des partis nécessiterait une croissance économique considérable, difficile à atteindre dans un contexte de stagnation.

L’Allemagne devra donc arbitrer entre relance et rigueur budgétaire, en veillant à concilier compétitivité et soutenabilité des finances publiques.


ICYMI

Eurozone : la remontada de l’Europe du sud

Depuis la pandémie, le tourisme a connu un essor considérable, tandis que la crise énergétique a fragilisé le secteur manufacturier.

Dans ce contexte, l’Europe du sud, notamment l’Espagne et le Portugal, s’est démarquée avec une croissance moyenne cumulative de 6 % depuis 2022, portée par l’impressionnante expansion de 8 % de l’Espagne. À l’inverse, des économies comme la France et les Pays-Bas ont affiché une croissance plus modeste — alignées avec la tendance générale de la zone euro.

Ce dynamisme repose sur deux piliers : l’augmentation de l’emploi et les gains de productivité horaire. Les réformes du marché du travail en Espagne, au Portugal, en Grèce et, dans une moindre mesure, en Italie, ont renforcé l’efficacité du travail, réduisant le chômage et stimulant la croissance.

Contrairement aux pays du sud, l’Allemagne, plus axée sur l’industrie, a vu sa croissance freinée par la crise énergétique. Le tourisme joue un rôle clé dans cette reprise économique, la demande ayant rebondi après la pandémie.

Le programme Next Génération EU (NGEU) a également été un moteur essentiel, contribuant selon nos estimations à hauteur de 1 point de croissance en Italie et 1,2 point en Espagne entre 2021 et 2024. Cependant, l’environnement entrepreneurial espagnol peine encore à s’améliorer, tandis que le Portugal et la Grèce enregistrent de meilleurs résultats.

Malgré ces succès, des défis persistent.

Au-delà de son impact immédiat sur la reprise post-pandémie, NGEU représente une opportunité cruciale pour les pays encore en difficulté après la crise de la dette souveraine. Beaucoup d’entre eux ont dû mettre en œuvre des réformes structurelles profondes pour rétablir leur stabilité financière.

En investissant dans les infrastructures, les technologies vertes, l’innovation numérique et la productivité, NGEU peut favoriser une croissance durable, renforcer la cohésion régionale et améliorer la compétitivité mondiale de l’UE.

Tarifs réciproques américains : œil pour œil

Les tarifs douaniers et autres mesures réciproques de l’administration Trump II pourraient faire grimper le taux de tarif effectif global des États-Unis de 13 points de pourcentage.

Parmi les pays les plus touchés, l'Argentine, l'Inde, le Brésil, le Chili et le Kenya subiraient des hausses de 23 à 34 points de pourcentage, tandis que la Chine et l'UE verraient leurs tarifs augmenter de 12 et 13 points de pourcentage.

Une grande partie de ces hausses provient des écarts de TVA, qui impactent autant les entreprises américaines que celles des pays visés — ce qui remet en question leur caractère de véritable barrière commerciale.

Face à une possible "guerre commerciale totale", certains partenaires des États-Unis cherchent à négocier.

L’Inde a récemment entamé des discussions et augmenté ses achats d’énergie de 15 à 25 milliards de dollars, tout en réduisant certains tarifs. Le 14 février, Taïwan a promis d’accroître ses investissements dans les semi-conducteurs, tandis que la Corée du Sud a alloué 250 milliards de dollars pour soutenir ses exportations face à la hausse des tarifs.

D’autres pays adoptent une approche similaire : la Thaïlande et le Vietnam prévoient d’augmenter leurs importations agricoles américaines, le Japon veut investir davantage aux États-Unis et acheter plus de gaz naturel liquéfié, tandis que le Mexique, le Brésil et le Royaume-Uni discutent les tarifs sur l’acier, l’aluminium et le sucre.

Les pays avec lesquels les États-Unis ont un excédent commercial dans les services pourraient aussi utiliser cet avantage comme levier de négociation.

Toutefois, des partenaires comme l’UE, malgré un déficit dans les services, compensent par un excédent dans les biens, limitant ainsi l’avantage économique des États-Unis. À l’inverse, des pays comme le Brésil et l’Australie, où les États-Unis enregistrent un surplus aussi bien en biens qu’en services, disposent d’un meilleur levier, pouvant faire valoir qu’une riposte tarifaire nuirait davantage aux entreprises américaines.


Merci à Perrine Levin pour son aide dans la préparation de cette édition. On vous retrouve la semaine prochaine.

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Par Ludovic Subran

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