Notations trimestrielles des risques par pays et par secteur : l'industrie pharmaceutique à l'honneur

Ludonomics
5 min ⋅ 13/10/2025

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Notations trimestrielles des risques par pays et par secteur : l’industrie pharmaceutique à l’honneur

Au troisième trimestre 2025, le risque pays a été relevé pour l’Arménie, l’Equateur, le Monténégro et l’Ouzbékistan, tandis que les PME émergentes restent résilientes malgré l’incertitude.

  • Les PME profitent d’une demande locale solide et sont moins touchées par les tensions commerciales. L’Équateur repart grâce à électricité et à un cadre pro-business. L’Ouzbékistan croît grâce à sa population, à l’or et aux envois d’argent.

  • Pour 2026 le signal est contrasté : le commerce s’améliore dans plusieurs pays (Argentine, Allemagne, Grèce, Italie, etc.), mais les finances publiques se fragilisent (Indonésie, Mexique, Royaume-Uni).

  • Les pays émergents restent soutenus par des taux plus bas et un soutien budgétaire, tandis que les pays développés ralentissent sous le poids de la dette et des dépenses. Les tensions géopolitiques et commerciales persistent. 

Les risques sectoriels s’améliorent pour la première fois depuis le T2 2024, mais la progression reste modeste et inégale selon les régions et les industries.

  • 9 relèvements pour 8 abaissements traduisent un équilibre fragile entre faible demande mondiale, effets de la guerre commerciale, coût du capital élevé et incertitude persistante.

  • Les hausses se concentrent surtout en Amérique latine et en Asie, avec des passages de risque sensible à risque moyen.

  • L’agroalimentaire en Espagne et l’équipement de transport au Japon passent en risque faible, tandis que les métaux ne sont plus classifiés à risque élevé.

L’industrie pharmaceutique reste le secteur le moins risqué au niveau mondial, mais subit une pression forte liée aux droits de douanes.

  • C’est le secteur le plus dégradé du trimestre (3), avec un passage de risque faible à risque moyen aux États-Unis et en Inde.

  • Aux États-Unis, malgré des exemptions pour les producteurs investissant sur le sol américain ou s’engageant à baisser les prix, le tarif annoncé de 100 % sur les médicaments de marque pèse sur les revenus.

  • L’Inde, très exposée au marché américain, voit son risque augmenter si la stratégie de baisse des prix se confirme.

Une économie globalement stable, dominée par des risques intermédiaires, et en attente des nouvelles taxes maritimes américaines.

  • Les dégradations ciblées (chimie en Uruguay, métaux au Canada, distribution en Suisse ou automobile en France) reflètent la fragilité des petits acteurs.

  • L’Asie demeure la région plus sûre et l’Amérique latine la plus risquée, suivie de l’Europe centrale et orientale. Les secteurs à risque faible ne pèsent plus que 9 % (contre 15 % fin 2019).

  • Les redevances imposées par les États-Unis sur les navires chinois (ou opérés par des entreprises chinoises) alourdissent les coûts. Ce qui devrait être une opportunité pour les chantiers sud-coréens et japonais, malgré une pression accrue sur les marges des armateurs.


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Ce que les primes de termes révèlent sur les risques politiques et fiscaux

Les rendements à 30 ans des obligations d’État ont atteint des niveaux records ces trois dernières années malgré les incertitudes macroéconomiques.

  • Les taux des obligations d’état à 30 ans des économies avancées sont tous à leur plus haut depuis plusieurs décennies.

  • Depuis 2022, seulement 15 à 35 % de cette hausse s’explique par des changements de prévisions sur les taux d’intérêt ; le reste s’explique par une prime de risque plus élevée.

  • Ces derniers mois, la prime de terme est également devenue un indicateur de la crédibilité institutionnelle et fiscale. L’Europe (+105 pts de base en France) est la plus affectée, tandis que le Japon et les États-Unis connaissent des hausses plus modérées.

Aux États-Unis, le shutdown devrait peser sur la crédibilité institutionnelle et entraîner les taux des bons du Trésor à 30 ans à la hausse.

  • Le déficit reste élevé (-6,9 % du PIB en 2025, -7,5 % en 2027) malgré des recettes douanières élevées et les mesures du DOGE. 

  • Le coût en termes de crédibilité et de risque politique du shutdown se répercute sur les taux à long terme (obligations d’état à 30 ans), accentuant la pente de la courbe des taux.

Au Japon, la prime de terme augmente en raison des inquiétudes budgétaires et d’un risque accru d’inflation.

  • L’élection de Sanae Takaishi à la tête du PLD ravive les craintes d’un retour des « Abenomics ». Son programme pourrait creuser le déficit primaire de +1 point par an, ajoutant +3 points de PIB à la dette publique d’ici 2027.

  • Les taux des obligations d’état japonaises à 30 ans ont bondi de +13 points de base, atteignant des niveaux historiques. 

  • Les taux à 30 ans pourraient encore monter aux États-Unis, alors qu’en Europe et au Japon la hausse liée à la prime de terme devrait s’achever, sauf nouveaux risques politiques.

Sous l’effet de l’incertitude politique, la prime de terme française à 30 ans se rapproche désormais de celle de l’Italie.

  • Malgré la démission du Premier ministre, nous maintenons 50 % de probabilité que la France adopte un budget moins ambitieux ou une loi spéciale, permettant de réduire le déficit à environ -5,2 % du PIB en 2026.

  • Dans le scénario d’une élection anticipée (40% de probabilité), la croissance du PIB pourrait être réduite à +0,6 % en 2026 (contre +1 % dans le premier scénario). Avec le vote d’un budget édulcoré, le déficit resterait élevé autour de -5,5 % du PIB en 2026.

  • En Italie, le projet de budget prévoit une réduction du déficit public : celui-ci atteindra -3 % du PIB dès 2025, avant de diminuer davantage à -2,8 % du PIB en 2026 et -2,6 % en 2027. Ces mesures seront financées par 10 Mds € de réductions de dépenses et 6,5 Mds € de recettes supplémentaires.

Des promesses par milliards, les investissements comme nouvelle monnaie d’échange de la guerre commerciale

Washington offre désormais des tarifs plus bas en échange d’investissements massifs. Cette initiative pourrait déclencher une vague d’IDE(= Investissements Directs à l’Étranger) inédite mais la crédibilité de cette annonce, davantage politique que concrète, reste incertaine.

  • L’IDE est vu comme un actif stratégique pour relocaliser des capacités productives, créer des emplois et sécuriser des chaînes stratégiques (énergie, défense, pharma, minerais, semi-conducteurs).

  • Pour attirer le capital, l’administration met en place des mesures d’allègements fiscaux favorables aux entreprises, avec un taux d’IS maintenu à 21% et des crédits d’impôt R&D. 

  • Malgré l’attrait de la taille du marché américain, le coût du travail, les pénuries de compétences, un agenda tarifaire imprévisible et le risque d’une taxation de rétorsion refroidissent les investisseurs.

  • L’incertitude pèse déjà : les constructions de nouvelles usines marquent le pas depuis l’élection du président Trump.

Après un essoufflement, de grandes promesses :

  • En 2024, les nouveaux IDE n’ont atteint que 151 Mds USD, 40% en dessous de la moyenne décennale.

  • Près de 95% de ces flux proviennent de rachats d’entreprises existantes, contrairement à des créations de sites ou extensions, signe que les entrées récentes n’ajoutent que peu de capacité productive nouvelle.

  • Dans ce contexte, la vague de promesses totalise 5 600 Mds USD dont plus de 85 % concentrés sur 4 ans (l’UE annonce 600 Mds, le Japon promet 1 000 Mds).

À une telle échelle, les investissements étrangers pourraient remodeler l’économie américaine :

  • Si la majorité se concrétise dans le secteur techno-industriel, des entrées soutenues de 1 000 Mds USD par an, ajouteraient 2pts de croissance au PIB en 2026, puis +0,8 à +1,5pt en 2027 et +0,5 à +1,0pt en 2028, portant le PIB américain 5 à 7 % plus haut d’ici 2030.

  • Les effets seraient structurels : capital accru, productivité en hausse et potentiel de croissance relevé.

  • L’inflation grimperait modérément (+0,5 à +0,8pt en 2026-27) avant de se normaliser.

  • L’emploi augmenterait fortement (10-15 millions d’emplois sur trois ans), le dollar se renforcerait et les actions seraient revalorisées.

Toutefois, l’écart entre promesses étatiques et plans d’entreprises, avec côté UE 9 % seulement des montants adossés à des annonces d’entreprises, suggère un risque de révision à la baisse, de lenteur voire d’abandon.

  • D’autant plus que le coût d’opportunité pour les pays investisseurs est élevé, leur capital détourné des priorités domestiques risque de freiner la transformation structurelle. 

  • Pour l’UE, la sortie nette de capitaux pourrait amputer la croissance jusqu’à –0,3 pt par an, en plus du –0,3 pt de l’effet des tarifs.

  • Les marchés demeurent sceptiques, la pénurie de main-d’œuvre, aggravée par un durcissement migratoire, limite la capacité d’absorption des nouvelles usines, si bien que les anticipations de croissance, les valorisations boursières et le dollar restent en deçà de ce qu’impliquerait une telle vague d’IDE.


Merci à Tom Duriez pour son aide dans la préparation de cette édition. On vous retrouve la semaine prochaine.

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Par Ludovic Subran