BCE : troisième pause, mais le resserrement quantitatif maintient la pression sur les obligations

Ludonomics
4 min ⋅ 27/10/2025

Bonjour, et bienvenue dans Ludonomics, la newsletter sur ce qui fait bouger l’économie mondiale. Je suis Ludovic Subran, chef économiste et CIO de l’assureur Allianz. Je vous donne rendez-vous toutes les semaines dans votre boîte mail. Suivez-moi également sur X.


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BCE : troisième pause, mais le resserrement quantitatif maintient la pression sur les obligations

La BCE devrait maintenir ses taux pour la troisième fois consécutive.

  • La BCE devrait maintenir son taux de dépôt inchangé à 2,0 % lors de sa prochaine réunion du 30 octobre.

  • Une inflation supérieure à l'objectif justifie l'orientation actuelle de la politique monétaire, mais pas la faiblesse de la croissance économique. 

  • L'inflation globale a atteint 2,2 % en glissement annuel en septembre. L'inflation sous-jacente a également augmenté à 2,4 %. 

L'économie semble morose et n'est pas à un niveau justifiant une politique neutre, mais plutôt un assouplissement supplémentaire. 

  • L’incertitude géopolitique effraie les consommateurs et les pousse à augmenter leurs taux d'épargne, les données PMI (Purchasing Managers’ Index) ne montrent pas une forte accélération et l'écart de production reste négatif après des années de croissance modérée.

  • Hors Irlande, la croissance de la zone euro est attendue à +0,7 % cette année, là encore nettement inférieure au taux de croissance potentiel d'environ +1,1 %.

La faiblesse des prix du pétrole et la déflation persistante en Chine pourraient faire baisser le taux d'inflation en Europe en dessous des estimations actuelles.

  • La force de l'euro, non seulement face au dollar (+12 % YTD) mais aussi face au yuan chinois (+10 % YTD), augmente ce risque de déflation importée.

  • La géopolitique et l'incertitude économique limitent la volonté des consommateurs de stimuler la demande – un autre risque à la baisse pour l'inflation et la croissance

Le resserrement quantitatif à grande vitesse devrait être au centre de l'attention.

  • Les rendements à long terme se sont stabilisés à des niveaux élevés, mais le QT (Resserrement Quantitatif) exceptionnellement rapide de la BCE avec une réduction des encours d’environ € 46 Milliards par mois maintient une pression haussière en libérant sur le marché une offre équivalente à 3,5 % du PIB de la zone euro.

  • Alors que la Fed, la BoE et la BoJ ralentissent leur QT, ce rythme va devenir un point de friction de la politique économique. La BCE, qui détient encore bien plus d’obligations et traîne de lourdes pertes, a intérêt à poursuivre la réduction si les marchés le permettent.


ICYMI

Fed : coincée entre les risques du marché du travail et du marché monétaire

Nous nous attendons à ce que la Fed procède à une baisse de taux de 25 points de base (pb) lors de la réunion du FOMC (Federal Open Market Committee) de la semaine prochaine.

  • Le marché du travail continue de montrer des signes de tension, alors que les données officielles sur la masse salariale de septembre ne sont pas disponibles en raison du shutdown du gouvernement, les enquêtes du secteur privé indiquent une faiblesse persistante.

  • Alors qu'il entre dans sa quatrième semaine, le shutdown du gouvernement aura coûté -0,45 points de pourcentage (pp) de croissance du PIB au T4 (-0,15 pp par semaine).

La Fed devrait maintenir un biais accommodant dans les mois à venir même si l'inflation reste obstinément supérieure à l'objectif.

  • Le taux des Fed funds, après la probable baisse de la semaine prochaine, devraient rester à 50 -70 pb sous la règle de Taylor, malgré une inflation encore élevée (PCE 2,7 % a/a) et un écart de production positif. 

  • Le marché du travail demeure tendu, tandis que les investissements technologiques progressent. L’IA et l’incertitude politique expliquent une faiblesse cyclique de l’emploi. 

  • Nous anticipons une pause au FOMC de décembre suivi d’une baisse de -50 pbs supplémentaires au T1 2026, marqué par une remontée graduelle du chômage et le ralentissement de la croissance.

En plus du taux directeur, les perspectives de resserrement quantitatif (QT) seront également au centre de l'attention lors de la réunion de la semaine prochaine.

  • Les discussions sur la fin du QT signalent un resserrement de fin de cycle, et non une crise, en ciblant surtout les tensions du marché monétaire.

  • Les banques sont devenues le fournisseur marginal de liquidité, ce qui relève le plancher des taux et a porté l’écart SOFR–IOR (Secured Overnight Financing Rate moins Interest on Reserve Balances) en territoire positif depuis septembre 2025, avec un pic d’environ 15 pb le 16 octobre. 

La poursuite du QT accroîtrait la volatilité des taux du marché monétaire et resserrait de facto les conditions de financement. 

  • Nous anticipons donc l’annonce de la fin du QT d’ici la fin de l’année, sans retour automatique au QE (Assouplissement Quantitatif) avec des réserves bancaires proches de 13 % des actifs.

  • Le QE ne reviendrait qu’en cas de stress persistant, avec par exemple un SOFR–IOR durablement supérieur à 10 pb. 

  • L’impact sur la courbe des taux devrait rester limité. Le QT a ajouté environ 30 pb au maturités 10 ans depuis 2022, un effet désormais estompé. La fin du QT devrait améliorer l’absorption des émissions à court terme et pourrait aplatir la courbe des taux.

Vigilantes du crédit : high yield sous pression, l’heure de la sélection

Les spreads high yield européens s’écartent depuis des planchers historiques.

  • Les spreads du haut rendement (HY) en euro s’écartent des niveaux très bas : pour le grade « B » c’est +56 pb, pour « BB » +27 pb en quatre semaines, contre +3 pb pour l’investment grade (IG).

  • Aux États-Unis, le HY s’élargit un peu moins, mais l’IG gagne +7 pb ; les CCC restent autour de 10 % au-dessus des Bunds allemands.

Le stress vient également du privé. Les acteurs non bancaires pèsent près de 50 % du crédit mondial. 

  • Des défauts et pertes récents comme ceux de First Brands, Zions ou Western Alliance ont provoqué des ajustements, sans contagion généralisée.

  • Les récents défauts de paiement ont mis en évidence des vulnérabilités dans certains domaines du crédit, bien qu'elles soient représentatives d'un phénomène de fin de cycle et non systémiques. 

  • Les perspectives macroéconomiques continuent de soutenir l'ensemble des marchés du crédit, mais les entreprises moins bien notées et disposant d'une flexibilité financière moindre sont confrontées à des pressions. 

La demande est encore solide, mais pourrait faiblir.

  • Malgré une demande toujours élevée pour le rendement et le crédit, des indicateurs tels que les ratios de couverture des intérêts, qui sont passés d’environ 2,2× à 1,7× en trois ans, indiquent des écarts encore plus larges.

  • Le HY euro pèse environ 10 % du marché alors que de grands investisseurs se tournent vers la dette privée.

  • Les coûts de refinancement montent, ce qui fragilise surtout les petites entreprises sensibles aux taux.


Merci à Augustin Bonah pour son aide dans la préparation de cette édition. On vous retrouve la semaine prochaine.

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Par Ludovic Subran