Trumponomics 2.0 ?

Les conséquences d'une deuxième administration Trump, la fin des taux négatifs au Japon, la bulle internet, et les taux US.

Ludonomics
4 min ⋅ 20/03/2024

Bonjour, et bienvenue dans Ludonomics, la newsletter sur ce qui fait bouger l’économie mondiale. Je suis Ludovic Subran, chef économiste de l’assureur Allianz. Je vous donne rendez-vous toutes les semaines dans votre boîte mail. Suivez-moi également sur X.


Le Briefing

Le prochain locataire de la Maison Blanche devra faire face à une économie américaine en pleine mutation. Petit exercice d’anticipation sur le retour éventuel des Trumponomics. 

CADRAGE • L’économie américaine a fait la preuve de sa remarquable résilience dans un environnement de hausse des taux et d’instabilité géopolitique. 

  • Le taux de chômage est inférieur à 4% depuis le début 2022 et la croissance a repris en 2023. 

  • Mais l’économie américaine doit faire face à une inflation plus volatile en raison de chocs d'offres plus fréquents et du manque de main d'œuvre. 

TRUMP • Si le 45e président des USA succédait à Joe Biden, on peut anticiper trois thématiques d’importance sur le plan économique : 

  • Le retour de la guerre commerciale. 

  • Le retour du bazooka budgétaire avec de nouvelles subventions pour soutenir l’industrie Made in America. 

  • Le maintien d’une politique monétaire crédible. 

TARIFF MAN • Des hausses de tarifs douaniers sont attendues en cas de Trump 2. Cependant, il est peu probable que Trump soit en mesure d’augmenter les tarifs douaniers autant qu’annoncé. 

  • Le taux effectif moyen des tarifs douaniers est de 2,5%. Trump a annoncé sa volonté de le faire grimper à > 10%. Mais cette promesse est difficilement réalisable. 

  • Une augmentation (plus probable) à environ 4,5% porterait déjà les tarifs douaniers américains à leur maximum historique depuis les années 1970. 

  • Si toutes les hausses de tarifs promises par Trump avaient lieu, le taux moyen serait d’environ 12%, le plus élevé depuis les années 1940. Le coût pour le PIB américain d’une telle mesure serait d’environ 1,4% du PIB. 

Sans même parler de hausses des tarifs douaniers, le candidat Trump a évoqué sa volonté de mettre fin au contournement des tarifs via des contrôles accrus aux douanes. 

  • L’effet inflationniste d’une telle mesure peut être estimé à +0,6% en raison des délais accrus de livraison. 

IMPÔTS • Une présidence Trump 2 hériterait des très importants déficits et des dépenses d’intérêt en hausse de l’administration Biden. Cela contraindrait Trump à la prudence fiscale. 

  • Une nouvelle série de baisses d’impôts (ou de nouvelles dépenses) pourrait relancer un cycle inflationniste et fragiliser la position des USA sur les marchés obligataires. 

  • Il est peu probable que les plus hawkish des Républicains verront de nouvelles dépenses / baisses d’impôt d’un bon oeil. 

  • Un administration Trump 2 financerait vraisemblablement ses programmes grâce aux augmentations de tarifs douaniers et à l’annulation de politiques publiques décidées sous Biden. 

  • Les plans de subventions vertes décidées sous Biden seraient sans doute remplacées par de nouveaux programmes en faveur de l’indépendance des USA (terres rares, matières premières), l’automobile, la chimie ou encore l’acier. 

FED • La Réserve fédérale se verrait contrainte de mettre un coup de frein à son assouplissement monétaire en 2025. Le yield des bons du Trésor resterait sans doute au-dessus des 4%. 

  • Ce changement de cap monétaire conduirait à une correction des marchés actions. 

  • La hausse de l’inflation causée par les politiques de Trump 2 pousseraient la Fed à rester prudente et à maintenir les taux élevés. 

  • Cependant, les politiques protectionnistes mises en œuvre auraient sans doute à terme un effet favorable sur la capitalisation des entreprises américaines, ce qui pourrait in fine bénéficier aux marchés actions.  


Inter Alia

JAPON • La Banque centrale du Japon (BoJ) est contrarienne. Alors que la plupart des banques centrales s’apprêtent à baisser les taux, la BoJ fait le contraire. 

  • La BoJ a décidé de faire passer les taux directeurs en territoire positif. Il s’agit de la première hausse de taux depuis 2007. 

  • La hausse des taux d’intérêt devrait entraîner un reflux d’investisseurs obligataires vers le Japon, attirés par des taux de rendement plus élevés. 

  • L’Irlande et les Pays-Bas sont les marchés obligataires les plus exposés à un reflux vers le Japon. 

FED • L’inflation ne s’est pas encore calmée aux Etats-Unis. C’est ce que révèlent les chiffres publiés pour février par la Fed, avec une inflation plus élevée que prévu.  

  • L’inflation (en glissement annuel) est au dessus de 3% depuis juin 2023, avec une inflation qui demeure très forte pour les services. Les biens de consommation et l’alimentaire sont de retour à leur niveau pré-Covid. 

  • La Fed doit demeurer prudente alors que l’économie américaine tourne à plein régime, avec un marché de l’emploi très serré. 

BULLE • L’augmentation exponentielle des capitalisations boursières dans la tech font craindre un renouvellement de la bulle internet. 

  • Les sociétés de la tech ont des bilans bien plus robustes que celles de la bulle internet, grâce à d’importantes réserves de cash et des profits importants. 

  • Elles ont réussi à prendre le virage de la hausse des taux d”intérêt — une performance notable vu les difficultés historiques du secteur à absorber les hausses de taux. 

  • Les ratio price-to-earnings (P/E) sont sensiblement moins élevés que pendant la bulle internet. Ils sont en ce moment autour de 30x, versus environ 50x à la veille de la bulle internet. 

  • La fièvre boursière des années 2020 est donc beaucoup plus modérée que celle des années 1990/2000. 


Nos lectures de la semaine

  • Un graphique intéressant documente la baisse des bacs scientifiques en France parmi les bacheliers généraux, avec une chute de 63% à 41% entre 2018 et 2022 pour les garçons, et de 44% à 17% chez les filles. 

  • Les faillites d’entreprises sont à leur plus haut depuis la crise financière de 2008. Dans un environnement de taux élevés, de salaires élevés et de baisse de la demande mettent une pression importante sur les entreprises endettées. Voir cet article dans le Financial Times

  • Ce graphique intéressant montre la baisse impressionnante du nombre d’employés requis pour générer $1M entre les années 1990 et aujourd’hui parmi les sociétés de S&P 500.

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Par Ludovic Subran