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Le projet de loi fiscal “One Big Beautiful Bill”, adopté en mai par la Chambre des représentants, rencontre une forte opposition au Sénat.
Ce texte reprend la majorité des promesses de campagne de Donald Trump, avec 170 milliards de dollars de nouvelles baisses d’impôts et 53 milliards de restrictions budgétaires limitées.
Pour les ménages, il prévoit notamment l’exonération d’impôts sur les heures supplémentaires et les pourboires, tandis que pour les entreprises, il instaure l’amortissement intégral des dépenses en recherche et équipements.
Le texte étend également la loi fiscale de 2017 (TCJA), avec un crédit d’impôt enfant renforcé et une déduction accrue pour les petites entreprises.
Cependant, certaines promesses phares, comme un taux d’imposition de 14 % pour le secteur manufacturier ou l’exonération des revenus de la Sécurité sociale, ont été abandonnées, la première étant compensée par l’amortissement complet des installations domestiques.
Cette révision n’a pas suffi à calmer les sénateurs républicains, qui s’opposent particulièrement aux coupes prévues dans Medicaid et à la suppression progressive des crédits d’impôts énergétiques.
Beaucoup d’entre eux représentent des circonscriptions rurales dépendantes des aides sociales, tandis que les subventions aux énergies renouvelables bénéficient aussi à des régions républicaines.
Avec une majorité sénatoriale très fragile, chaque vote devient crucial.
Le président pousse pour une adoption avant le 4 juillet, mais les désaccords actuels laissent craindre un report à l’automne. Quoi qu’il en soit, l’adoption de cette loi risque d’aggraver une situation budgétaire déjà délicate.
Malgré une croissance soutenue ces dernières années, la dette fédérale brute est passée de 108 % du PIB en 2019 à 124 % en 2024, tandis que les dépenses sociales restent difficiles à maîtriser, faute de compromis politique.
Le déficit fédéral pourrait dépasser 8 % du PIB en 2025, contre 7 % en 2024, et les coûts d’intérêt devraient atteindre 3,8 % du PIB en 2026, alors que les taux longs restent élevés. Bien que des recettes douanières supplémentaires puissent compenser une partie des dépenses liées au projet, la tendance générale reste inquiétante.
Si les marchés obligataires exigent une prime de risque plus élevée, le coût de l’emprunt grimperait, freinant la croissance économique et creusant le déficit.
Dans un scénario extrême, la Réserve fédérale pourrait être contrainte de monétiser la dette, ce qui entraînerait une forte inflation et un affaiblissement du dollar.
Par ailleurs, la disposition controversée, dite Section 899, introduit une surtaxe progressive pouvant atteindre 20 points sur les revenus (dividendes, coupons) des entreprises et investisseurs étrangers provenant de pays jugés « punitifs » fiscalement.
Ce choc fiscal pourrait peser sur la demande pour les actifs américains, provoquer des sorties de capitaux, affaiblir le dollar et faire grimper les coûts d’emprunt du Trésor et des entreprises.
Pour l’instant, les marchés semblent sous-estimer cet impact, qui pourrait aller d’un simple trouble à une perturbation majeure.
Les métaux industriels perdent de leur éclat alors que les inquiétudes concernant le secteur manufacturier s’intensifient.
Cuivre, aluminium et autres métaux de base subissent une forte pression depuis plusieurs mois. Après un rebond en début d’année, le prix du cuivre est retombé sous la barre des 9 000 USD la tonne, soit une chute d’environ 14 % par rapport à son pic du printemps 2024.
Cette tendance à la baisse touche presque tous les métaux de base, du nickel au zinc, reflétant un ralentissement généralisé de l’industrie manufacturière dans le monde.
En Chine, premier consommateur mondial de cuivre avec près de la moitié de la demande mondiale, la reprise post-pandémie montre des signes de faiblesse, notamment face au ralentissement économique et à la crise immobilière.
À l’inverse, l’or continue de briller dans un contexte d’incertitude et de défiance envers le dollar. Le prix de l’or a atteint des sommets historiques début 2025, porté par une fuite vers les valeurs refuges et des doutes grandissants sur la stabilité des actifs libellés en dollars.
En mars 2025, le prix de l’or a franchi pour la première fois la barre des 3 000 USD l’once, marquant un rallye exceptionnel.
Depuis le début de l’année, son cours a gagné près de 30 %, après avoir déjà atteint des niveaux record fin 2024.
Cette dynamique s’explique notamment par l’anxiété des investisseurs face aux tensions géopolitiques, en particulier le conflit commercial entre les États-Unis et la Chine, qui renforce la demande pour ce refuge traditionnel.
Par ailleurs, le retour des barrières tarifaires sous la présidence Trump fait grimper les prix des métaux aux États-Unis. Depuis début 2025, des droits de douane pouvant atteindre 50 % sur l’aluminium et l’acier (hors Royaume-Uni) ont creusé un écart important entre les prix mondiaux, en baisse, et les prix locaux, sous forte pression côté américain.
Cette hausse ne résulte pas d’une demande accrue, mais bien d’une offre restreinte liée aux contraintes protectionnistes.
Face à la hausse de la demande électrique liée à l’électrification, aux data centers et à l’intégration croissante des énergies renouvelables intermittentes, les gouvernements doivent renforcer la capacité de production.
La consommation électrique devrait croître de +4 % par an jusqu’en 2027, contre +2,5 % la décennie précédente.
Mais intégrer davantage d’éolien et de solaire augmente les coûts du système, car il faut renforcer les infrastructures pour garantir la stabilité du réseau.
Dans ce contexte, l’attention se porte sur des sources d’énergie de base à faible carbone, comme le nucléaire, mais aussi la géothermie, dont le potentiel s’accroît grâce aux forages profonds.
Limitées historiquement à 5 km de profondeur dans des zones géologiquement actives (Californie, Islande), les Systèmes Géothermiques Améliorés (EGS) permettent désormais d’atteindre 8 km, multipliant par plus de 12 le potentiel théorique de cette énergie. La géothermie devient ainsi la deuxième source la plus accessible après le solaire.
Si la géothermie a réduit ses coûts, elle reste plus chère que l’éolien et le solaire en termes de coût actualisé (LCOE), notamment en raison de la variabilité locale des sites. L’Agence Internationale de l’Énergie anticipe toutefois un coût compétitif autour de 50 USD/MWh d’ici 2035.
Son principal atout est la production stable et continue d’électricité, cruciale pour des secteurs gourmands comme les data centers, dont la consommation pourrait augmenter de +130 % aux États-Unis.
Sa production apporte aussi de l’inertie au réseau, stabilisant la fréquence et limitant le recours à des solutions coûteuses comme le stockage ou la production de secours.
Malgré ses avantages, la géothermie souffre de coûts d’investissement élevés (3 000 USD/kW), de longs délais de développement (environ six ans) et de risques liés à l’exploration. Pourtant, les investissements ont quadruplé entre 2021 et 2023, atteignant 420 millions de dollars. Si cette dynamique se confirme, la géothermie pourrait couvrir 8 % de l’électricité mondiale, 9 % de la chaleur industrielle et 4 % du chauffage centralisé d’ici 2050.
Merci à Perrine Levin pour son aide dans la préparation de cette édition. On vous retrouve la semaine prochaine.