Dans cette édution : la réforme du frein à l'endettement en Allemagne. Mais aussi l'économie américaine.
Bonjour, et bienvenue dans Ludonomics, la newsletter sur ce qui fait bouger l’économie mondiale. Je suis Ludovic Subran, chef économiste et CIO de l’assureur Allianz. Je vous donne rendez-vous toutes les semaines dans votre boîte mail. Suivez-moi également sur X.
Lors d'une session spéciale, le Bundestag a approuvé des modifications de la Loi fondamentale concernant la défense, l'infrastructure et la neutralité climatique. Ces changements visent à aider l'Allemagne à sortir de ses difficultés économiques.
Une majorité des deux tiers du Bundestag a accepté d'exempter les dépenses de défense – incluant la protection civile, la cybersécurité, le renseignement et le soutien aux États attaqués en violation du droit international – des règles budgétaires, permettant ainsi au gouvernement fédéral de contracter de nouvelles dettes.
Cette augmentation des dépenses est cruciale pour l'Allemagne, qui doit réparer des infrastructures publiques dégradées par des années de manque d’entretien.
Les secteurs comme les chemins de fer, les autoroutes et les voies navigables ont subi un déclin important, avec une perte de 22 milliards d'euros en 2023.
Les dépenses en infrastructures de transport, éducation et défense représentent actuellement un peu moins de 25 % des budgets publics nationaux, régionaux et locaux.
Les dépenses de défense devraient être mises en œuvre rapidement, mais la reconstruction des infrastructures prendra plus de temps, bien qu'elle contribue positivement aux prévisions du PIB de l'Allemagne.
En supposant une mise en œuvre progressive d'une dépense financée par la dette équivalente à 2 % du PIB, le PIB pourrait augmenter de 0,3 % en 2025 (par rapport à une stagnation), de 1,7 % en 2026 (par rapport à 0,9 %) et de 2,1 % en 2027 (par rapport à 1,1 %). Toutefois, l'emprunt pour financer ces dépenses pourrait entraîner des risques, notamment une hausse des salaires et de l'inflation.
Les marchés financiers avaient déjà intégré le vote du Bundestag, d'où l'absence de mouvement significatif des marchés après son adoption.
Les taux d'intérêt ont augmenté d'environ 20-30 points de base sur différentes périodes. Cette hausse est principalement due à une augmentation des taux réels et, dans une moindre mesure, des attentes d'inflation.
La hausse des taux d'intérêt entraînera un déficit budgétaire à long terme plus élevé, augmentant d'environ 0,1 à 0,2 % du PIB, ce qui devrait rester gérable.
Si les coûts de la dette augmentent de 30 points de base à long terme, cela ajoutera 8 milliards d'euros de paiements d'intérêts annuels, soit 0,19 % du PIB en déficit supplémentaire. Toutefois, ces mesures restent essentielles pour la relance économique à long terme de l'Allemagne.
La chute de la confiance des consommateurs aux États-Unis, signalée par l'indice de sentiment de l'Université du Michigan, indique une probable réduction des dépenses de consommation au deuxième trimestre 2025.
Après une croissance soutenue entre 2022 et 2024 (+2,4 % en moyenne), l'économie américaine subit des pressions dues aux hausses des tarifs douaniers et à l'incertitude politique.
Les dépenses de consommation représentent environ 70 % du PIB des US. Un ralentissement des dépenses pourrait entraîner une récession.
Trois facteurs clés détermineront les perspectives : le revenu disponible des ménages, leurs finances et la volatilité des marchés boursiers.
Bien que la confiance des consommateurs soit liée aux dépenses, un sentiment dégradé n'a pas toujours conduit à un recul majeur des consommations, comme en 2022 malgré une inflation élevée.
Cependant, des tensions commerciales accrues sous l'administration Trump pourraient inciter les ménages à économiser davantage et à réduire leurs dépenses.
L'inflation et les taux d'intérêt élevés sont également des facteurs de risques aggravants.
Le revenu des ménages reste soutenu par les transferts gouvernementaux et une croissance salariale plus forte pour les ménages à faible revenu. Entre le quatrième trimestre 2023 et 2024, le revenu disponible réel a augmenté de +2 %, principalement grâce à l'emploi et aux transferts.
Bien que les ménages aient accumulé des liquidités importantes, l'impact de la correction des marchés boursiers pourrait réduire le PIB de -0,6 % par an via les effets de richesse. Malgré ces vulnérabilités, les bilans des ménages sont solides, ce qui devrait amortir l'impact des hausses de tarifs et du sentiment déprimé.
Le PIB américain devrait croître modérément de +1,6 % en 2025, à condition que les tensions commerciales se stabilisent.
Sous le second mandat de Trump, les États-Unis mettent en avant la relocalisation de la production pour renforcer leur souveraineté technologique et économique.
L'administration américaine a introduit des tarifs douaniers sur des produits clés, notamment un droit de 20 % sur certains produits technologiques chinois, avec des impacts notables sur les secteurs technologique et pharmaceutique.
Des investissements massifs ont suivi : Apple a annoncé 500 milliards de dollars d'investissements pour construire une usine au Texas, et TSMC a prévu 100 milliards pour fabriquer des semi-conducteurs aux États-Unis.
Cependant, cette politique protectionniste suscite des préoccupations sur le marché boursier.
Bien que certaines entreprises aient vu leurs actions augmenter, comme Apple (+1,2 %) ou SoftBank (+3 %), les actions de TSMC ont chuté de -2 % en raison des coûts de fabrication plus élevés aux États-Unis, notamment en raison des salaires plus élevés et d'une réglementation complexe.
Ces coûts supplémentaires, couplés à la pénurie de travailleurs qualifiés, ont affecté l'attractivité des investissements à long terme.
Malgré l’afflux d'investissements directs étrangers (IDE), les flux d’investissements de portefeuille sont en déclin, avec une baisse de 41 % des ETF américains, et une hausse de 97 % des ETF européens.
Les investisseurs se tournent vers les marchés européens et émergents, jugés plus résilients et offrant de meilleures perspectives de croissance.
L'inquiétude sur la stagflation et l'incertitude économique aux États-Unis renforcent cette tendance.
Bien que les États-Unis attirent des investissements industriels, ils semblent perdre du terrain en tant que destination privilégiée pour les investissements financiers, au profit de régions perçues comme moins risquées et plus prometteuses économiquement.
Merci à Perrine Levin pour son aide dans la préparation de cette édition. On vous retrouve la semaine prochaine.