Mais aussi dans cette édition : Accord commercial US/UK, Trump au Golf(e)
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L’accord récent entre les États-Unis et la Chine marque une trêve plus rapide et favorable que prévu. Annoncé le 12 mai à l’issue de discussions à Genève, cet accord a permis une réduction significative des droits de douane.
Ceux des États-Unis sur les importations en provenance de Chine baissent de 103 % à 39 %, bien mieux que les 73 % attendus pour la fin 2025.
En parallèle, les droits de douane chinois sur les produits américains chutent de près de 140 % à 24 %.
Ces ajustements sont valables pour une période de 90 jours, jusqu’au 12 août 2025, avec un risque d’augmentation de 24 points de pourcentage si aucun nouvel accord n’est trouvé.
L’accord touche également les expéditions à faible valeur (moins de 800 USD), avec une réduction substantielle du droit de douane appliqué sur ces colis, qui passe de 120 % à 54 % ou 30 %, selon qu’ils transitent par le service postal ou des entreprises privées. Cela constitue un soulagement pour les consommateurs américains, notamment pour les achats en ligne.
Nous prévoyons que les droits de douane resteront globalement inchangés après la période de 90 jours, bien qu’un accord plus global puisse être signé pour maintenir ces taux.
Le représentant commercial américain, Jamieson Greer, a suggéré deux solutions pour équilibrer le commerce entre les deux pays : réduire les exportations chinoises vers les États-Unis et accroître les exportations américaines en Chine.
Pékin pourrait ainsi accepter d'ouvrir davantage son marché aux entreprises américaines pour compenser les pertes liées aux droits de douane.
En Chine, la guerre commerciale continue de peser sur l’économie.
Nous estimons que la Chine perdra jusqu’à 108 milliards USD d’exportations cette année. Toutefois, une partie de ces pertes (75 %) pourra être redirigée via d’autres ports asiatiques, et 25 % pourraient être compensées par des gains en Europe.
La prévision de croissance du PIB pour 2025 reste à 4,5 %, les autorités devraient probablement réduire l’ampleur des mesures de relance fiscales à la suite de cet accord commercial.
Pour les États-Unis, cette trêve est un soulagement économique. L’assouplissement plus rapide que prévu des tensions commerciales réduit les risques baissiers sur l’économie.
L’inflation devrait maintenant culminer autour de 3,5 % d’ici la fin de l’été, soit un point de moins que prévu.
La récession semble moins probable pour le second semestre 2025, et la croissance du PIB devrait se situer entre 1,3 % et 1,5 % cette année, contre 0,8 % dans nos prévisions précédentes.
La Réserve fédérale (Fed) devrait commencer à assouplir sa politique monétaire en octobre, avec un taux prévu à 4 % d’ici décembre.
Les bonnes nouvelles de cette trêve ont également affecté les marchés. L'indice S&P 500 a bondi de 3,3 % après l'annonce de l’accord, récupérant ainsi une partie de la chute de 12 % après l’entrée en vigueur des tarifs douaniers le 2 avril. L'indice est désormais de retour en territoire positif pour l’année.
Depuis le Brexit, le Royaume-Uni fait face à une double peine : un déséquilibre commercial croissant avec l'UE et une appréciation du taux de change réel.
Le déficit commercial des biens du Royaume-Uni a augmenté régulièrement ces deux dernières décennies, atteignant -250 milliards GBP (cumul sur 12 mois) en février 2025.
En pourcentage du PIB, ce déficit est resté autour de -8 % depuis l'entrée en vigueur du Brexit en 2021, contre -6,5 % les cinq années précédentes.
Dans ce contexte, l’accord commercial récemment signé entre le Royaume-Uni et les États-Unis atténue les tensions commerciales et offre un répit aux secteurs automobiles, acier et aluminium du Royaume-Uni.
Cet accord, qui entrera en vigueur le 8 juillet, est le premier signé par les États-Unis depuis l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche.
Bien qu’il ne supprime pas l’augmentation des droits de douane de 10 points de pourcentage pour la plupart des produits britanniques, il réduit les droits de douane sur les voitures de 27,5 % à 10 % (pour les 100 000 premières envoyées aux États-Unis), sur l’acier et l’aluminium du Royaume-Uni de 25 % à 0 %, et rétablit la gratuité des droits pour les pièces d’avion britanniques.
Cependant, le Royaume-Uni ressort perdant de cet accord.
Le taux de droits de douane pondéré des États-Unis sur les importations britanniques sera réduit de 9,1 % à 6,1 %, mais reste bien supérieur au taux de 1 % en vigueur avant février, entraînant des pertes d’exportations estimées à 3 milliards USD (2,3 milliards GBP).
Ce taux est également plus élevé que le scénario de base de 3,6 % prévu pour fin 2025.
L’accord offre davantage d’accès au marché britannique pour les produits américains, la Maison Blanche ayant obtenu des concessions importantes de la part du gouvernement britannique.
Concernant l’avenir des accords commerciaux du Royaume-Uni, le secrétaire américain à l'Agriculture a indiqué cette semaine que les États-Unis souhaitaient élargir cet accord, notamment pour inclure d'autres produits agricoles, bien que des obstacles subsistent du côté des producteurs britanniques.
Cette semaine, le président Trump entame sa première tournée internationale de son second mandat en visitant le Golfe, cherchant à attirer des investissements pour les États-Unis et à conclure des accords de sécurité.
L'objectif principal est de capter la richesse des fonds souverains des pays producteurs de pétrole, avec l’Arabie saoudite promettant jusqu'à 600 milliards USD d'investissements aux États-Unis pour la décennie à venir.
La région du Golfe a subi un choc tarifaire moins sévère lors de la Journée de la Libération, avec un taux moyen de 3,9 % en raison de ses exportations énergétiques.
Les Émirats ont connu un taux plus élevé (7,4 %) en raison de la diversité de leurs exportations.
Un accord commercial entre les États-Unis et le Golfe semble probable, bien que les gains d'exportation pour la région restent limités à environ 1,5 milliard USD.
En échange, les pays du Golfe cherchent des accords plus larges, incluant l'accès à la technologie, à l'énergie et des garanties de sécurité.
Les premiers accords entre Riyad et Washington portent sur l'achat d'armements américains (100 milliards USD), des turbines à gaz (14 milliards USD) et des investissements technologiques (80 milliards USD).
L'Arabie saoudite, qui développe un programme nucléaire avec la technologie américaine, vise à renforcer son accès à la technologie et à la défense.
En parallèle, l'Arabie saoudite continue d'utiliser la dette pour compenser la baisse des revenus pétroliers, avec une perte estimée à 22 milliards USD. Malgré la chute des prix du pétrole, les investissements restent soutenus, et la région pourrait recourir à l'endettement pour combler le déficit budgétaire.
Merci à Perrine Levin pour son aide dans la préparation de cette édition. On vous retrouve la semaine prochaine.