L'accord commercial UE-US

Ludonomics
4 min ⋅ 04/08/2025

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FYI

L'accord UE-États-Unis confère un avantage aux États-Unis alors que la guerre commerciale commence à faire rage.

L’UE et les États-Unis sont parvenus à un accord commercial juste avant la date limite du 1er août.

  • Les exportations de l'UE vers les États-Unis seront désormais soumises à un tarif « réciproque » de 15 %, contre 10 % actuellement.

  • Outre les droits de douane, l'UE a accepté d'acheter $ 750 milliards de produits énergétiques américains sur trois ans, d'investir $ 600 milliards aux États-Unis et d'acheter de « grandes quantités » d'équipements militaires.

L'UE subira des pertes d'exportation d'environ $ 50 milliards (0,3 % du PIB) par rapport aux niveaux de 2024.

  • L'Allemagne, l'Irlande, l'Italie et la France sont les pays les plus touchés.

  • L'appréciation de l'euro pourrait entraîner des pertes d'exportation supplémentaires équivalant à -0,2 % du PIB, portant l'impact total sur le PIB à près de -0,5 %, toutes choses égales par ailleurs.

Les marchés ont réagi modérément à l'accord commercial UE-États-Unis.

  • L'euro a chuté de 1,7 % dans les deux jours qui ont suivi la signature de l'accord commercial entre l'UE et les États-Unis.

  • La comparaison des indices boursiers des deux côtés de l'Atlantique en dollars américains montre que le S&P 500, plus fort (-0,3 %), et le Stoxx Europe 600, plus faible (-1,5 %), suggèrent que l'accord a été perçu comme relativement plus favorable aux États-Unis

Les États-Unis ont également annoncé cette semaine des décisions tarifaires avec le reste du monde.

  • À partir du 7 août, les tarifs douaniers pour 68 pays hors UE augmenteront, passant de 13 % à 16 %, après avoir été inférieurs à 3 % fin 2024.

  • Le Brésil est confronté à la hausse la plus importante, le taux de droits de douane effectif américain passant de 14 % actuellement à 40 %.

  • Alors que le Mexique a obtenu une prolongation de 90 jours contre de nouvelles hausses tarifaires, les exportateurs canadiens verront le taux de droits de douane américain passer de 25 % à 35 %.

Au deuxième trimestre 2025, le PIB américain a fortement rebondi avec une croissance de +3,0 %, tandis que la zone euro a ralenti, passant de +0,6 % à +0,1 % t/t.

  • L'Allemagne a connu une légère contraction de son PIB de -0,1 % après une croissance de +0,4 % au premier trimestre. Un plan économique ambitieux incluant des incitations fiscales et un fonds d'infrastructure de € 500 milliards est prévu pour stimuler la reprise.

  • La France a enregistré une croissance de +0,3 %, bien que la demande intérieure et extérieure reste faible, avec la production et la consommation de services comme principaux moteurs.

  • L'Espagne a vu son PIB croître de 0,7 %, soutenu par une consommation privée et un investissement robuste, ainsi qu'une augmentation des exportations et importations.

L'inflation dans la zone euro reste stable à 2,0 % en glissement annuel.

  • L’inflation est alimentée par la hausse des prix des produits alimentaires (3,3 %) et des services (3,1 %), tandis que les prix de l'énergie continuent de baisser (-2,5 %).

  • Après une réunion de la BCE au ton plus ferme, les perspectives de deux nouvelles baisses de taux cette année semblent incertaines.

  • La présidente Lagarde a indiqué que l'inflation ne serait que temporairement inférieure à l'objectif de 2 % au cours des prochains trimestres.

ICYMI

L'équation budgétaire allemande manque de certains éléments

Le budget 2026 de l'Allemagne prévoit des investissements publics atteignant € 127 milliards et des dépenses de défense atteignant € 82 milliards.

  • L’emprunt net passera de € 81,8 milliards en 2025 à € 89,9 milliards en 2026, l’emprunt net cumulé sur la période législative 2025 à 2029 approchant les € 807 milliards.

  • Une grande partie de ce financement provient de fonds spéciaux, ce qui allège la pression sur le budget principal, mais ne résout pas les contraintes budgétaires sous-jacentes.

  • La flexibilité du budget fédéral allemand diminue. Les dépenses discrétionnaires devraient passer de 25 % en 2025 à moins de 5 % d’ici 2035 en raison de la hausse des coûts fixes de la défense, des paiements d’intérêts et des dépenses sociales.

Une grande partie des investissements s’appuie sur des fonds spéciaux temporaires, ce qui suscite des inquiétudes quant à leur durabilité.

  • Les dépenses d'avenir (éducation, infrastructures, innovation, numérisation, action climatique) restent faibles, à 2,4 % du PIB en 2025, et atteignent 3,6 % grâce aux fonds spéciaux.

  • D'ici 2029, les deux tiers des dépenses d'avenir dépendront de ces fonds spéciaux, ce qui rend les investissements essentiels à long terme vulnérables aux coupes budgétaires à mesure que la pression sur le budget principal s'accentue.

Pour assurer la viabilité budgétaire et la croissance, des réformes structurelles, ainsi qu'une réinitialisation stratégique du budget, sont essentielles.

  • Pour parvenir à la stabilité budgétaire et à la croissance économique, l'Allemagne devrait se concentrer sur la modernisation des retraites et des soins de santé, la détaxation du travail pour stimuler l'emploi et l'amélioration des infrastructures de soins.

  • Par ailleurs, mobiliser la main-d'œuvre et attirer les investissements privés tout en privilégiant les dépenses à long terme sont des éléments essentiels de ces réformes.

Les droits de douane pourraient-ils empêcher les constructeurs automobiles de relocaliser leurs activités ?

L'augmentation des droits de douane sur les constructeurs automobiles européens et japonais pourrait s’avérer être une victoire pour les États-Unis.

  • Le récent accord commercial aboutit à un taux réciproque plus faible que prévu initialement, le taux effectif sur les véhicules et pièces importés d'Europe et du Japon étant porté à 15 % au lieu des 27,5 % potentiels.

  • Les voitures importées du Japon seront ainsi moins chères que celles du Mexique ou du Canada, qui sont soumises à des droits de douane de 25 %.

Cela représente un défi pour les constructeurs automobiles américains dont les chaînes d'approvisionnement dépendent fortement du Mexique et du Canada.

  • Les droits de douane de 50 % sur l’acier et l’aluminium importés constituent un fardeau supplémentaire pour les constructeurs automobiles locaux.

  • Si la hausse des droits de douane sur les véhicules importés pourrait initialement encourager la relocalisation de la production automobile aux États-Unis, son impact semble limité.

Malgré une augmentation potentielle de 1,35 million de capacités de production, soit une hausse de 9 % de la production nationale et une augmentation de 1,5 % vis-à-vis de la production automobile mondiale, les usines américaines fonctionnent en dessous de leurs capacités et il est peu probable qu'elles augmentent leur production prochainement.

De plus, la demande intérieure pourrait s'affaiblir en raison de subventions moins favorables aux véhicules électriques et de la hausse des prix des voitures due aux droits de douane.

Au-delà des droits de douane, les constructeurs automobiles sont confrontés à des défis majeurs.

  • Ils sont confrontés à une baisse de la demande dans les économies développées, une concurrence accrue des marques chinoises et une réduction du soutien budgétaire aux véhicules électriques en Europe et aux États-Unis.

  • En 2025, les marges des entreprises devraient se situer entre 5 et 10 %, ce qui les obligera à se concentrer sur la rentabilité à court terme et la génération de trésorerie, plutôt que sur une relocalisation.


Merci à Augustin Bonah pour son aide dans la préparation de cette édition.

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Par Ludovic Subran