Ludonomics

La newsletter essentielle pour comprendre les actualités qui font bouger les marchés et l'économie par Ludovic Subran, chef économiste de Allianz.

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Par Ludovic Subran
25 mars · 3 mn à lire
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Comment financer la défense européenne ?

Un mur d'investissements à financer. Mais aussi le prix du chocolat, l'union des marchés de capitaux, l'accord commercial Inde-EFTA.

Bonjour, et bienvenue dans Ludonomics, la newsletter sur ce qui fait bouger l’économie mondiale. Je suis Ludovic Subran, chef économiste de l’assureur Allianz. Je vous donne rendez-vous toutes les semaines dans votre boîte mail. Suivez-moi également sur X.


Le Briefing

Les gouvernements européens entendent augmenter la part des dépenses allouées à leur défense. Ne sous estimons pas le challenge budgétaire que représente ne serait-ce qu’un objectif à 2% du PIB, c’est-à-dire l’objectif de l’OTAN.

CADRAGE • Depuis 1995, les dépenses des pays européens allouées à la défense ont augmenté en valeur absolue. 

  • Les 27 dépensaient €104 Mds en 1995 contre €204 Mds pour leur défense. 

  • En 1995, 1,6% du PIB des 27 était alloué à la défense. Ce pourcentage tombe à 1,3% en 2022. 

  • Les écarts sont importants. Les dépenses en défense de l’Irlande représentent 0,2% de son PIB, versus >2% pour la Grèce, l’Estonie, la Lituanie ou la Lettonie. 

© Eurostat, OCDE© Eurostat, OCDE

MUR BUDGÉTAIRE • Pour atteindre les 2% du PIB jusqu'en 2028, il faudra que les 27 dépensent €470 Mds comparé à un scénario de dépenses constantes. Vu les annonces actuelles, l’effort doit se répartir entre l’Allemagne (€150 Mds), l’Italie (€55 Mds), l'Espagne (€48 Mds) et la France (€17 Mds). Pour atteindre les 3% du PIB dépensés par les USA, il faudrait ajouter à ces €470 Mds environ €110 Mds supplémentaires dans les 5 prochaines années. 

Comment financer ces dépenses ? 

  • A budget constant, cela implique des coupes budgétaires de l’ordre de 8,6% du PIB en Espagne, 7,7% en Allemagne, 6,5% en Italie et 4,8% en France. 

  • En Europe, le principal poste de dépenses publiques est la protection sociale. En 2022, elle représente 39% des dépenses publiques. 

  • Au sein des dépenses sociales, 54% vont vers les retraites, 15% vers la santé.

RETRAITES • Politiquement, il semble compliqué de couper dans les retraites et les dépenses de santé. Il existe trois scénarios possibles pour l’évolution des dépenses de retraite.

  • Un premier scénario où les dépenses de retraites restent à un niveau constant par tête. 

  • Un deuxième scénario où les dépenses de retraites augmentent en ligne avec l’inflation.

  • Un troisième scénario où les dépenses de retraites augmentent en ligne avec le taux de croissance nominal du PIB.  

Le premier scénario implique une baisse des prestations (en termes réels) et donc du niveau de vie d’une part croissante de la population. C’est politiquement suicidaire. 

  • Seul le premier scénario serait à même de permettre d’augmenter les dépenses de défense sans couper dans d’autres postes budgétaires. 

  • Si les dépenses de protection sociale augmentent au même rythme que le PIB, il faudra faire des coupes de l’ordre de 2,5% du PIB sur le reste des postes budgétaires dans les années à venir.

FINANCEMENT • Quid de la dette ? Ou des impôts ? 

  • Financer la défense par des émissions obligataires représenterait un accroissement des dépenses d’intérêts d’environ €12,1 Mds d’ici 2028. A titre de comparaison, cela représente le montant annuel dépensé pour la biodiversité et la protection des paysages en 2022 en Europe. 

  • Si l’on ne souhaite pas modifier l’impôt sur les sociétés et l’impôt sur les revenus, il faudrait augmenter la TVA de 0,6 points en moyenne en Europe, avec des variations allant de +0,1 point en France à +2,4 points en Irlande. 

Jusqu’ici, la plupart des gouvernements européens n’ont pas véritablement mis les pieds dans le plat quant au financement de la défense dans un contexte de vieillissement de la population et à la nécessité absolue d’investir dans la transition écologique. Il y aura des choix à faire cependant. 


Inter Alia

CHOCOFLATION • Le prix du chocolat augmente très fortement, alors que la demande dépasse largement l’offre pour la quatrième année consécutive.

  • Entre 2015-2019, la tonne de cacao valait $2500 en moyenne. 

  • Aujourd’hui, les contrats futures se négocient à $6000/tonne. 

Pour protéger leurs marges, les producteurs vont réduire la quantité de chocolat dans leurs produits (shrinkflation) et/ou augmenter significativement leurs prix. 

  • La production de cacao repose sur quelques pays d’Afrique de l’Ouest (Côte d’Ivoire, Guinée, Ghana, Cameroun, Nigeria) qui représentent 75% de la production mondiale. 

  • Les producteurs dans ces pays sont cependant de petits producteurs avec un faible degré de consolidation. Les prix de vente en gros demeurent assez faibles. 

  • Ce sont donc principalement les acheteurs / transformateurs qui bénéficient de la dynamique mondiale. 

CAPITAUX • Les ministres des finances européens se réunissaient récemment pour discuter de ses priorités pour la période 2024-2029.  La proposition s’intitule ABC pour Architecture / Business / Citizens. 

  • Donner un coup de fouet au marché de la titrisation. 

  • Réduire le fardeau administratif qui pèse sur les acteurs des marchés financiers. 

  • Harmoniser des pans du droit (des faillites, des introductions en bourse) pour fluidifier les échanges entre Etats membres.. 

L’union des marchés de capitaux européens n’a pas eu les résultats escomptés à son lancement il y a une décennie. 

  • L’objectif était alors d’intégrer les marchés financiers européens pour diversifier les risques parmi les Etats membres de l’UE .

  • Le coût pour l’économie européenne de marchés financiers fragmentés est élevé, alors que l’UE manque d’investissements. Cela est d’autant plus vrai dans un monde de taux élevés et face au mur d’investissements requis par les transitions écologique et numérique. 

INDE • L’Inde a signé un accord de libre échange avec l’EFTA, i.e. la Suisse, l'Islande, la Norvège et le Liechtenstein. 

  • Traditionnellement l’Inde a été prudente en matière de traités de libre-échange et a privilégié ses partenaires asiatiques. 

  • Ces dernières années, elle s’est ouverte de façon croissante aux économies occidentales, avec notamment un accord avec l’Australie (2022). 

L’accord avec l’EFTA couvre 99,6% des exportations indiennes (en excluant les produits agricoles et le charbon). Pour les pays de l’EFTA, l’accord doit signifier la levée de tarifs douaniers sur 95,3% des exportations vers l’Inde. L’accord devrait être effectif d’ici 2025. 


Nos lectures de la semaine