Ludonomics

La newsletter essentielle pour comprendre les actualités qui font bouger les marchés et l'économie par Ludovic Subran, chef économiste de Allianz.

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Par Ludovic Subran
17 avr. · 3 mn à lire
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Scholz en Chine, l’Allemagne en berne

Le voyage du chancelier en Chine. Mais aussi la BCE, le Brexit, et le FMI.

Bonjour, et bienvenue dans Ludonomics, la newsletter sur ce qui fait bouger l’économie mondiale. Je suis Ludovic Subran, chef économiste de l’assureur Allianz. Je vous donne rendez-vous toutes les semaines dans votre boîte mail. Suivez-moi également sur X.


Le Briefing

Le chancelier allemand Olaf Scholz se rend en Chine du 14 au 16 avril pour une visite officielle, sa plus longue depuis 2021. Le chancelier en a profité pour se lancer sur TikTok, alors que Berlin cherche désespérément des solutions pour relancer une croissance grippée. 

COOPÉTITION • L’Allemagne et la Chine ont une relation de partenaires économiques complémentaire. Mais de façon croissante, la concurrence industrielle menace des secteurs où l’Allemagne avait traditionnellement une position de leader. 

Les structures commerciales de la relation Chine-Allemagne sont en plein changement. 

  • Les exportations allemandes vers la Chine (en % du PIB) ont baissé d’environ un tiers depuis leur pic au T4 2020. 

  • La balance commerciale allemande a traditionnellement été déficitaire envers la Chine, mais ce déficit s’est accru ces deux dernières années. 

La dépendance de l’Allemagne envers la Chine dans des produits dits critiques s’est fortement accrue.

  • L’Allemagne dépendait à 6% de la Chine pour ses importations de produits critiques en 2004. Le chiffre est passé à 22% en 2024. 

  • Les produits “critiques” recouvrent 212 catégories de produits, dans des secteurs tels que l'informatique, les télécoms, les textiles, les produits chimiques. Ils sont considérés comme des intrants essentiels. 

EFFET CISEAU • La Chine monte en grade dans les chaînes de valeur mondiales. Ses parts de marché à l’export dans certains secteurs clés dépassent désormais celles de l’Allemagne. 

La double stratégie chinoise d’importation de savoirs à travers des coopérations et d’investissements à l’étranger dans des secteurs innovants a été un succès. 

  • La Chine a pris des parts de marché à l’international en montant dans la chaîne de valeur vers des industries à forte valeur ajoutée. 

  • Cette montée en gamme à l’international s’est accompagnée d’une élimination progressive de des concurrents européens sur le marché domestique chinois. 

Cet effet ciseau s’observe clairement dans la performance comparée à l’export de la Chine et de l’Allemagne: 

  • La part de l’Allemagne dans les exportations mondiales a longtemps été proche de 10%, et est tombée à environ 8% en 2022. 

  • La part de la Chine est passée de 4% en 2000 à 14% en 2022. 

CHINESE QUALITAT • De façon spectaculaire, la Chine a dépassé l’Allemagne à l’export dans trois secteurs clés:

  • Les machines-outils 

  • Les produits chimiques

  • Les ordinateurs, les télécoms et les biens d’équipement ménagers. 

La Chine exporte plus de produits finis. Par le passé, une part importante de ses exportations était composée de biens intermédiaires, destinés à être incorporés dans des produits à forte valeur ajoutée à l’étranger. Les échanges de biens intermédiaires entre l’Allemagne et la Chine sont en baisse. Cela montre que la Chine est parvenue à intégrer des pans entiers de la supply chain.

Les entreprises allemandes affrontent donc de plus en plus des concurrents chinois sur leurs segments de référence. Ces dernières profitent encore d’un avantage coût important sur la main d'œuvre et du soutien du gouvernement chinois. 

  • Les constructeurs automobiles allemands retiennent l’avantage (pour le moment) avec des exportations vers la Chine en hausse de 38% par rapport à il y a dix ans. 

  • Mais les exportations d’automobiles allemandes vers la Chine ont baissé de 10% ces deux dernières années. 

DE COMPLÉMENTAIRE À SUBSTITUABLE • La situation est tendue pour l’industrie allemande. Ses exportations sont désormais concurrencées par la Chine.  

  • Les exportations allemandes vers les BRIS (hors Chine) et les pays de l’ASEAN ont baissé respectivement de 23% et de 14% par rapport à 2019. 

  • Les exportations chinoises ont elles augmenté de 89% et 31% sur la même période. 

  • On observe donc un phénomène de substitution des sources d’importation pour ces deux zones.

En Europe même, la Chine gagne des parts de marché aux dépens de l’Allemagne. Si l’UE compte encore pour les deux tiers des exportations allemandes, la Chine progresse dans tous les secteurs. 

INVESTISSEMENTS • Les entreprises allemandes continuent d’investir en Chine. Les investissements directs à l’étranger (IDE) ont été multipliés par 5 entre 2010 et 2022, avec d’importants investissements dans le secteur automobile et la chimie. 

  • Mais les ventes allemandes sont en baisse sur la même période, avec un recul de € 6,2 milliards. 

  • Les entreprises allemandes réinvestissent leurs profits en Chine, alors même qu’elles font face à une situation économique compliquée en Allemagne (prix de l’énergie notamment). 


In Case You Missed It

BCE • La Banque centrale européenne maintient les taux directeurs à 4%. L’institution de Francfort — qui a pris cette décision en fin de semaine dernière — considère qu’il faut attendre un peu pour s’assurer que les pressions inflationnistes ne repartiront pas.

L’inflation dans la zone euro est tombée à 2,4% en mars 2024 (en glissement annuel), pas si loin de la cible de 2%.  L’inflation américaine est quant à elle repartie à la hausse, plus que prévu. 

Des membres du conseil des gouverneurs s’étaient prononcés pour une baisse des taux plus rapide. La prochaine décision de politique monétaire (en juin) devrait aboutir sur une baisse de taux.  

BREXIT • Les contrôles aux frontières sur les produits agricoles européens vont s’appliquer à partir du 30 avril. Le surcoût pour les importateurs britanniques est évalué à £ 2 milliards par an, et pourrait conduire à faire augmenter l’inflation de 0.15 points de pourcentage. 

Cette mesure a été retardée pas moins de 5 fois. Les importations de produits agricoles représentent 8% de toutes les importations en provenance de l’UE pour le Royaume-Uni. 

Selon la Commission européenne, l’introduction de ces contrôles douaniers représente l’équivalent d’une hausse de 10% des droits de douane (environ £ 2 milliards), attribuable aux coûts administratifs et aux retards créés par ces contrôles.  

FMI • Kristalina Georgieva sera reconduite à la tête du Fonds monétaire international (FMI) pour une second mandat de 5 ans. Elle était la seule candidate à sa propre succession, mais il a fallu attendre que les principaux souscripteurs du fonds l’assurent de leur soutien pour demeurer à la tête du FMI.  


Nos lectures de la semaine

  • On vous parlait il y a quelques semaines de la chocoflation, qui touche les cours mondiaux du cacao. Cette inflation des coûts pourrait pousser l’industrie à se consolider, selon cet article de Bloomberg qui se penche sur les acteurs suisses et allemands du secteur. 

Toujours sur Bloomberg, un article sur les baisses de taux à venir pour la BCE avec les commentaires de votre serviteur.