Mais aussi : Turquie, crédit, et tarifs douaniers
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Au premier trimestre, 16 pays ont vu leur notation rehaussée et un pays a connu une dégradation. Cette révision des notations reflète des améliorations notables, notamment en termes de croissance économique et de conditions de financement.
L'Espagne, par exemple, connaît une forte croissance du PIB alimentée par le tourisme, les investissements et la consommation. Israël, bien que confronté à des tensions régionales, continue de maintenir des perspectives positives grâce à une hausse des investissements et une consolidation fiscale.
En Turquie, la situation s'améliore avec des réserves en hausse, un déficit budgétaire en baisse et des politiques économiques plus prévisibles.
L'Arabie Saoudite bénéficie également d'un environnement des affaires en amélioration, bien que des défis bureaucratiques persistent. En revanche, le Sénégal est confronté à une détérioration de son ratio dette/PIB, en raison de dettes non déclarées, ce qui complique ses perspectives à long terme malgré une croissance soutenue.
Sur le plan sectoriel, 23 baisses de notation ont été enregistrées, notamment dans l'industrie automobile, touchée par des tensions commerciales mondiales, des disruptions des chaînes d'approvisionnement et des politiques économiques incertaines.
Les perspectives pour ce secteur se sont détériorées aux États-Unis, au Mexique, en Espagne et au Portugal, où les fabricants et fournisseurs ont vu leurs notations baissées en raison de pressions économiques internes et de risques externes.
Les hausses de coûts de production, les tarifs douaniers et les défis liés à l'emploi affectent particulièrement l'automobile.
D'autres secteurs en Amérique latine et en Europe de l'Ouest ont subi des ajustements similaires, avec une tendance générale à la baisse des perspectives à court terme, en réponse à une croissance mondiale plus lente et des incertitudes économiques croissantes.
L'arrestation d'Ekrem Imamoglu, maire d'Istanbul et principal rival d'Erdogan, a semé l'incertitude en Turquie. Cette arrestation suscite des inquiétudes concernant sa candidature à la présidence, mais elle semble être de l’ordre d’une manœuvre politique à l’approche d’éventuelles élections anticipées, et non le début d’une crise macroéconomique.
La réaction de l’Occident est discrète, soulignant le rôle d’Erdogan dans la stabilité régionale. Aucun changement majeur dans la politique monétaire n’est attendu. La dépréciation de la livre turque aide les exportateurs, mais complique les efforts de désinflation de la Banque centrale (CBRT). Récemment, la CBRT a relevé l’un de ses taux d’intérêt secondaires pour contenir cette volatilité à court terme.
Sur le plan politique, Erdogan pourrait chercher de nouvelles alliances dans un parlement fragmenté pour chercher à assurer sa réélection dans des élections anticipées. Cependant, une gestion stratégique pourrait réduire l'urgence de ces élections, permettant à la gestion de l'inflation de rester la priorité.
Après une réaction négative immédiate sur les marchés, la dette souveraine turque se redresse. Les spreads de la dette ont d'abord augmenté de 50 points de base, mais se sont resserrés de 25 points par la suite. Le marché semble digérer la situation, avec un impact modéré à long terme.
Les dernières données monétaires de la zone euro montrent que le crédit au secteur privé continue de s’améliorer après les faibles niveaux d'octobre 2023, pendant le pic du resserrement monétaire de la BCE.
En février, les prêts ont augmenté de 2,5 % en glissement annuel, contre 2,3 % en janvier, mais restent bien en dessous de la moyenne historique de 4 %. L’impulsion du crédit à la croissance économique est désormais positive, avec un crédit croissant plus rapidement que l'activité économique, contrairement aux États-Unis où la situation s’est affaissée.
Aux États-Unis, l’augmentation du crédit par rapport au PIB a commencé après la pandémie, tandis qu’en Europe, la crise énergétique freinait la reprise.
En zone euro, la transmission des hausses des taux directeurs de la BCE aux coûts de financement des logements est plus rapide en Italie et Espagne, où les prêts à taux variable sont plus courants.
En novembre 2023, les taux d’intérêt pour les prêts immobiliers varient de 3,5 % en France à 4,6 % en Italie.
En Italie et en Espagne, chaque hausse de 1 point des taux de la BCE a entraîné une augmentation des taux hypothécaires de +0,3 pp et +0,5 pp, respectivement. En Allemagne et en France, la hausse était plus modeste.
Aux États-Unis, la sensibilité aux taux de la Fed est moindre en raison des prêts à taux fixe à long terme. En 2025, nous prévoyons une stabilité du crédit immobilier résidentiel aux États-Unis.
Quant au crédit aux entreprises, il est en reprise en Espagne et en Italie, bien que négatif en Italie. Dans la zone euro, les taux de prêts aux entreprises ont baissé à 4 % en janvier 2025, contre 5,1 % en octobre 2023, mais restent bien au-dessus de 2022. La reprise du crédit reste lente des deux côtés de l'Atlantique, sous l'effet de l'incertitude.
L’annonce par le président Trump de tarifs de 25 % sur les importations automobiles marque une nouvelle phase dans la guerre commerciale des États-Unis.
Ce geste vise à protéger le secteur automobile américain, représentant 3 % du PIB et soutenant 9,7 millions d’emplois. L’exemption des dépenses de défense, y compris la cybersécurité et la protection civile, des règles budgétaires permet au gouvernement d’emprunter pour financer ces dépenses accrues.
La prochaine mesure attendue est la mise en place de tarifs réciproques. Ceux-ci affecteront particulièrement des pays comme l’Argentine, l’Inde et le Brésil, avec des hausses de 23 à 34 points de pourcentage.
L’objectif de Trump est de réduire les déficits commerciaux, en particulier avec des pays comme le Canada, le Mexique et la Chine, en réponse à leur excédent commercial avec les États-Unis.
En outre, des tarifs secondaires pourraient être imposés sur les pays achetant du pétrole vénézuélien, renforçant la position de l’US sur le marché mondial de l’énergie.
Les impacts économiques sont considérables : les pertes d’exportations pour le Mexique, la Chine et d’autres pays pourraient dépasser 150 milliards de dollars.
Les secteurs les plus touchés seront l’automobile, l’électronique et l’équipement domestique. Bien que ces mesures visent à renforcer l’économie à long terme, elles comportent des risques, notamment une hausse des salaires et de l’inflation.
Les marchés financiers ayant anticipé ce changement, le marché n’a pas connu de hausse de volatilité à la suite de l’annonce. La hausse des taux d’intérêt, en réponse à ces politiques, pourrait entraîner une augmentation du déficit budgétaire, mais cela reste gérable. La relance économique espérée grâce à ces réformes pourrait augmenter le PIB de 0,3 % en 2025, avec un impact progressif dans les années suivantes.
Merci à Perrine Levin pour son aide dans la préparation de cette édition. On vous retrouve la semaine prochaine.