Bonjour, et bienvenue dans Ludonomics, la newsletter sur ce qui fait bouger l’économie mondiale. Je suis Ludovic Subran, chef économiste et CIO de l’assureur Allianz. Je vous donne rendez-vous toutes les semaines dans votre boîte mail. Suivez-moi également sur X.
La BCE devrait marquer une pause ce jeudi, après avoir abaissé son taux directeur de manière quasi continue, le ramenant de 4 % à 2 %.
Toutefois, nous anticipons deux nouvelles baisses en septembre et octobre, compte tenu de la désinflation persistante, d'un euro fort et d'une économie fragile, pénalisée par l'incertitude liée aux droits de douane.
Une nouvelle escalade des droits de douane américains pourrait inciter la BCE à abaisser ses taux en dessous de 1,5 %.
À l'inverse, si notre scénario de base, qui table sur des droits de douane effectifs de 12 % sur les importations de l'UE, s'avère moins préjudiciable que prévu pour l’économie européenne, la BCE pourrait décider de maintenir ses taux à 2,0 %.
L'inflation globale est conforme à l'objectif, mais les effets de base, la vigueur de l'euro et la baisse des prix de l'énergie la pousseront bientôt à 1,6 %.
L'inflation des prix de l'énergie continue de pousser l'inflation à la baisse, le prix du pétrole en euros étant inférieur de 24 % à celui de l'année dernière.
En revanche, l'inflation des services reste tenace, avec peu de signes de ralentissement en glissement trimestriel.
Une croissance économique plus faible se profile à l'horizon. L'incertitude et la fin de l'anticipation des exportations vers les États-Unis vont freiner la demande intérieure et étrangère.
Bien que nous ne nous attendions pas à ce que les droits de douane augmentent davantage, ils s'élèvent encore à 12 %, contre 1,3 % avant l'investiture de M. Trump.
De plus, l'euro s'est apprécié de 12 % par rapport au dollar depuis le début de l'année, ce qui menace € 530 milliards d'exportations annuelles vers les États-Unis, soit 3,5 % du PIB de la zone euro (2024).
En 2025, la croissance annuelle du PIB devrait atteindre +1,2 %, mais uniquement grâce aux résultats exceptionnellement bons du premier trimestre. Hors Irlande, le PIB de la zone euro devrait n'augmenter que de +0,9 % en 2025.
L'augmentation des rendements des obligations d'État à long terme est également une préoccupation croissante pour les décideurs politiques.
Une perspective d'une discussion sur le ralentissement du resserrement quantitatif (QT, mesure restrictive de politique monétaire visant à réduire la taille du bilan de la Banque centrale) se profile.
A cela s’ajoute qu’en France et en Allemagne, les rendements à 30 ans ont récemment atteint leurs niveaux les plus élevés depuis 2011.
Le Premier ministre Bayrou a dévoilé un ambitieux plan budgétaire de € 44 milliards, dont près de la moitié sous forme d'augmentations d'impôts, afin de réduire le déficit public de -5,8 % du PIB en 2024 à -4,6 % du PIB en 2026.
Si elles étaient mises en œuvre, ces mesures pourraient entraîner une diminution de 0,6 % du PIB en 2026.
Sans assainissement budgétaire, la France devrait enregistrer une croissance de +2,3 % pour stabiliser son ratio dette/PIB, ce qui reste peu probable.
Le projet de budget est insuffisant à différents égards :
Premièrement, il repose sur des hypothèses optimistes concernant les économies en matière de soins de santé et la collecte d'impôts.
Deuxièmement, il ne prévoit pas de stratégie claire et cohérente de baisse des dépenses structurelles pour atteindre l'objectif de déficit de -2,8 % du PIB d'ici 2029.
Et au-delà de ces solutions à court terme, l'absence d'une stratégie claire à moyen terme sape la crédibilité du plan budgétaire.
Pour stabiliser sa dette, la France doit ramener le déficit global en dessous de -2,8 % du PIB ou générer une croissance du PIB réel de +2,3 %, ce qui est très peu probable et durable.
Pour finir, le projet de budget proposé n'a pratiquement aucune chance d'être adopté par le Parlement.
Le scénario le plus probable reste celui d'un effondrement du gouvernement. Les partis d'opposition ont déjà déclaré qu'ils voteraient contre le projet de loi.
Nous assumons que les impôts resteraient stables, les dépenses du gouvernement central et les transferts aux gouvernements locaux seraient gelés.
Cela générerait € 20 milliards d'économies, soit la moitié de ce qui avait été promis via le paquet fiscal. Le déficit tomberait à -5,1% en 2026, contre - 5,5% prévu en 2025.
L'économie chinoise a enregistré des résultats meilleurs que prévu au premier semestre, ce qui nous a amenés à revoir à la hausse nos prévisions de croissance pour l'ensemble de l'année, à +4,8 % (contre +4,5 % auparavant).
Cette performance a été soutenue par une demande extérieure particulièrement robuste et une demande intérieure globale satisfaisante.
Les exportations ont augmenté de +5,9% en glissement annuel au premier semestre 2025 (contre +4,6% en 2024). Sur le plan national, les ventes au détail ont accéléré pour atteindre +5% au premier semestre 2025, contre +3,5% en 2024.
Nous maintenons toutefois nos prévisions pour 2026 à +4,2 %, car les droits de douane américains finiront par peser et la reprise de la demande intérieure pourrait s'essouffler.
Un programme de remplacement des biens de consommation (300 milliards de Yuans, soit 0,2 % du PIB) devrait contribuer à une potentielle augmentation de 0,7 % au PIB.
Cette mesure, conjuguée à l'anticipation des droits de douane américains, a maintenu la consommation privée à un niveau élevé. Mais ces facteurs favorables ne dureront pas éternellement.
Les biens durables tels que l'électronique grand public, les produits ménagers et l'ameublement ont ainsi enregistré une croissance supérieure à +30 %.
Toutefois, les ventes d'automobiles ont été beaucoup plus modestes et l'offre excédentaire a entraîné de fortes pressions déflationnistes (-25 % entre mi-2021 et fin 2024).
Pour éviter une déflation persistante (nous tablons sur une inflation de 0,2 % en 2025), les efforts politiques devraient s'orienter davantage vers la demande plutôt que vers l'offre, et se concentrer sur la stabilisation des prix de l'immobilier.
L'indice de confiance a oscillé autour de 88 cette année, un niveau nettement inférieur à la moyenne à long terme précédente, qui s'élevait à 111.
Avec au moins 70 % de la richesse des ménages chinois placée dans l'immobilier, la crise du logement pèse sur le sentiment des ménages et sur leur capacité et leur comportement en matière de dépenses. De nouvelles mesures pour tenter de relancer le secteur sont attendues.
Même si elles parviennent à stabiliser les prix du logement, il est très peu probable qu'une reprise vigoureuse des prix du logement se produise au cours de l'année ou des deux années à venir.
Au cours des prochains mois, plusieurs événements politiques seront à surveiller.
À très court terme, une réunion du Politburo à la fin du mois donnera des indications sur l'orientation de la politique pour le reste de l'année.
Le sommet Chine-UE, qui se tiendra à Pékin les 24 et 25 juillet, ainsi que la date limite du 12 août pour la trêve de la guerre commerciale avec les États-Unis, seront également à surveiller.
Enfin, en octobre-novembre de cette année, le Comité central publiera les thèmes et les priorités du prochain plan quinquennal (2025-2026).
Merci à Augustin Bonah pour son aide dans la préparation de cette édition. On vous retrouve la semaine prochaine