La Réserve fédérale américaine s’apprête à maintenir ses taux d’intérêt à un niveau élevé lors de sa prochaine réunion le 18 juin.
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La Réserve fédérale américaine (Fed) s’apprête à maintenir ses taux d’intérêt à un niveau élevé lors de sa prochaine réunion le 18 juin. Le taux directeur devrait rester stable entre 4,25 % et 4,5 %, un niveau inchangé depuis décembre 2024. Cette décision s’inscrit dans un contexte d’incertitudes liées aux effets des récentes hausses de tarifs douaniers sur l’économie américaine.
Jusqu’à présent, il n’existe aucune preuve tangible que les coûts engendrés par les tarifs soient directement répercutés sur les prix à la consommation.
Les indices des prix à la consommation (IPC) de mai confirment cette tendance, avec des prix des biens qui sont restés stables, après une hausse très modeste de 0,1 % en avril.
Néanmoins, les enquêtes auprès des entreprises laissent entrevoir un retournement à l’horizon : les coûts supplémentaires liés aux importations pourraient bientôt être répercutés sur les consommateurs, ce qui risque d’alimenter l’inflation.
Ce décalage dans la transmission des hausses tarifaires est courant.
En effet, les entreprises tendent à absorber dans un premier temps les coûts supplémentaires, réticentes à ajuster trop fréquemment leurs prix.
La grande question reste donc de savoir si ces hausses représentent un choc ponctuel ou s’il s’agit d’un facteur durable d’inflation.
De nombreux économistes estiment que la Fed devrait ignorer ces hausses, considérées comme des « one-off », c’est-à-dire des événements isolés.
Cependant, cette approche est moins adaptée dans le contexte actuel. Les anticipations d’inflation des ménages sont élevées, notamment en raison d’une inflation persistante depuis 2021-2022.
Les consommateurs semblent désormais percevoir les hausses tarifaires comme une tendance durable, ce qui pourrait ancrer une inflation plus élevée à moyen terme.
Face à ce constat, les prévisions économiques ont été ajustées. L’inflation devrait désormais culminer au début du quatrième trimestre 2025, contre le troisième trimestre prévu auparavant.
Par conséquent, la Fed devrait différer son premier assouplissement monétaire, désormais attendu en décembre 2025, avec une baisse de taux de 25 points de base.
Cette prudence s’explique par la volonté de ne pas relâcher la pression sur une inflation encore trop élevée. Tant que l’économie ne fera pas face à une récession, la Fed privilégiera la lutte contre l’inflation, quitte à maintenir des taux élevés plus longtemps.
Les responsables de la Fed, y compris le président de la banque centrale, ont souligné que l’inflation frappe particulièrement les ménages les plus modestes. Ramener l’inflation à son objectif le plus rapidement possible est donc une priorité qui, selon eux, permettra également de réduire les risques sur l’emploi et la croissance à moyen terme.
L’année 2025 s’annonce cruciale pour la diplomatie climatique, avec l’attente des contributions nationales (NDC) pour 2035 dans le cadre de l’Accord de Paris.
Pourtant, la majorité des pays, dont des poids lourds comme la Chine et l’Union européenne, ont manqué la date butoir de février et prévoient désormais de soumettre leurs engagements juste avant la COP30, qui se tiendra au Brésil.
Depuis le retrait des États-Unis de l’Accord de Paris, beaucoup espèrent que la Chine et l’UE prendront le relais.
Mais les tensions commerciales sino-américaines compliquent la donne. Les tarifs douaniers réciproques, associés aux restrictions chinoises sur les exportations de minéraux critiques, risquent de freiner la transition énergétique mondiale.
L’enquête globale Allianz Trade 2025 révèle que si 84 % des entreprises affirment un engagement ESG actif au sein de leur direction (en hausse par rapport à 77 % en 2024), leurs ambitions climatiques sont en net recul.
Le nombre de sociétés visant une réduction des émissions de CO2 supérieure à 5 % est tombé de 31 % à 22 %. Ce recul est particulièrement marqué en Espagne, Pologne et Chine, tandis que les objectifs plus modestes gagnent du terrain.
Malgré cette baisse d’ambition, la confiance dans l’atteinte de la neutralité carbone en 2050 reste élevée (84 % des entreprises), notamment en Pologne et dans certains secteurs comme la pharma ou l’énergie. Les incitations fiscales, comme les crédits d’impôt pour la production verte, sont citées comme le levier principal.
L’incertitude sur la politique commerciale américaine pèse lourd. Avec 90 nouvelles mesures restrictives sur les matériaux critiques en 2025, contre 9 en 2024, et les ripostes chinoises, les chaînes d’approvisionnement des technologies propres sont fragilisées.
Un ralentissement économique mondial pourrait retarder les investissements dans les technologies vertes, inversant une tendance de croissance de +78 % depuis 2015.
Si les États-Unis excluent encore les technologies propres de leurs tarifs, la diversification des exportations chinoises pourrait offrir de nouvelles opportunités, notamment pour l’UE. Reste à trouver l’équilibre entre protection industrielle et accès à des solutions climatiques abordables.
L’impact économique de l’intelligence artificielle (IA) est désormais incontestable. Depuis l’apparition de ChatGPT en 2022, les débats sur l’effet réel de l’IA générative sur la productivité font écho aux réflexions de Robert Solow sur l’absence de l’informatique dans les statistiques de productivité.
Les projections optimistes tablent sur un boost significatif de la productivité, une hausse des salaires et une amélioration du bien-être à long terme, malgré les perturbations initiales liées à la perte d’emplois et à l’automatisation, particulièrement dans les services professionnels et les secteurs du savoir.
Les estimations prévoient un gain potentiel de PIB mondial compris entre 5 000 et 15 000 milliards de dollars d’ici 2030, même si les innovations technologiques n’ont historiquement pas toujours soutenu la croissance à moyen terme.
Le retard à adopter l’IA générative pourrait en revanche nuire à la compétitivité mondiale.
L’indicateur de préparation à l’IA du FMI met en lumière les disparités entre pays selon leurs infrastructures numériques, capital humain, régulations et intégration économique.
Les États-Unis semblent bien positionnés, mais l’Europe suit de près. La productivité augmente proportionnellement à l’exposition à l’IA, sans pour autant se traduire systématiquement par des hausses salariales ou une création nette d’emplois.
L’analyse sectorielle révèle que les emplois les plus exposés à l’IA sont les techniciens, assistants administratifs, commerciaux et services. Les emplois manuels, eux, restent peu touchés.
La hausse des coûts unitaires du travail dans certains secteurs indique un risque de perte de compétitivité, tandis que dans d’autres la stagnation salariale peut offrir un avantage face à l’automatisation.
L’enquête Allianz Trade 2025 confirme l’IA comme priorité d’investissement majeure pour les entreprises exportatrices, qui y consacrent jusqu’à 20 % de leurs budgets IT. La réduction des coûts est perçue comme le principal bénéfice, mais pour que l’IA génère une « destruction créatrice » juste et productive, l’innovation et la sécurité de l’emploi devront être au cœur des stratégies.
Merci à Perrine Levin pour son aide dans la préparation de cette édition. On vous retrouve la semaine prochaine