Ludonomics

La newsletter essentielle pour comprendre les actualités qui font bouger les marchés et l'économie par Ludovic Subran, chef économiste de Allianz.

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Par Ludovic Subran
3 juil. · 3 mn à lire
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Immobilier & environnement ; Dérapage budgétaire à venir ; BCE à Sintra.

La newsletter essentielle pour comprendre l'actualité économique.


Bonjour, et bienvenue dans Ludonomics, la newsletter sur ce qui fait bouger l’économie mondiale. Je suis Ludovic Subran, chef économiste de l’assureur Allianz. Je vous donne rendez-vous toutes les semaines dans votre boîte mail. Suivez-moi également sur X.


LE BRIEFING

CONTEXTE • L’immobilier est un secteur clé de la transition énergétique. Les bâtiments représentent 40% de la consommation d'énergie et 35% des émissions de CO2 dans l'UE. 

  • Au niveau européen, l'objectif (ambitieux) du Green Deal est de réduire les émissions de 60% d'ici 2030 et de 80-89% d'ici 2040 par rapport au niveau de 2015. 

  • La nouvelle directive sur la performance énergétique des bâtiments (DPEB) établit le cadre réglementaire. Cette législation définit le cadre permettant aux États membres de réduire les émissions et la consommation d'énergie dans les bâtiments dans l'ensemble de l'UE, depuis les logements et les lieux de travail jusqu'aux écoles, hôpitaux et autres bâtiments publics. 

  • L’objectif actuel est de rénover 16% des bâtiments les moins performants sur le plan énergétique d’ici 2030 et 26% d’ici 2033. 

Des progrès significatifs ont été réalisés dans certaines grandes économies de l'UE, mais des différences notables subsistent. 

  • Les émissions de scope 1 (directes) et de scope 2 (liées à l'électricité) racontent des histoires différentes. 

  • L'Allemagne ayant par exemple des émissions de scope 2 élevées en raison de sa dépendance au charbon.

  • L’Espagne, à l’inverse, voit ses émissions de scope 2 fortement réduites grâce au développement du parc solaire, avec une baisse des émissions pour l’immobilier non résidentiel de 40% par rapport à 2015. 

PARC VIEILLISSANT • Plus de 75% des bâtiments non résidentiels (ie les immeubles de bureaux) ont été construits avant 2000, et moins de 10% après la crise financière de 2008. La plupart des bâtiments ne sont pas au niveau en termes d'efficacité énergétique.

  • Les coûts de rénovation estimés pour l'immobilier non résidentiel en Allemagne, France, Espagne et Italie s'élèvent à 165 milliards d'euros pour atteindre les objectifs climatiques. 

  • La réduction attendue de la consommation d'énergie est de 67,2% si ces travaux ont lieu. La valeur actuelle des économies d'énergie sur 20 ans est estimée à 89,1 milliards d'euros au total pour l’Allemagne, la France, l’Espagne et l’Italie. 

  • L'Espagne présente les coûts de rénovation les plus élevés (65 milliards d'euros) mais aussi les économies les plus importantes (51 milliards d'euros). 

  • La France affiche l'écart le plus important entre les coûts et les économies en raison de bâtiments plus anciens.

STRANDED ASSETS • En l’absence de travaux de rénovation, on estime que les banques européennes pourraient se retrouver avec environ €400 Mds d’immobilier commercial devenus des actifs irrécupérables (stranded assets). 

Les acteurs de l'immobilier sont menacés par des pertes de valorisation.

PERSPECTIVES •  Les bâtiments économes en énergie devraient avoir des valeurs plus élevées et attirer plus de locataires. 

  • En conséquence, les gestionnaires d’actifs vont être incités à être plus sélectifs dans l’efficacité énergétique de leurs investissements. 

  • Dans ce jeu à fort enjeu de l'immobilier vert, les gagnants seront ceux qui sauront équilibrer les coûts de rénovation avec les avantages à long terme de l'efficacité énergétique. 


Collaboration commerciale avec Interbev

Cette semaine, avec le site Agriculture-circulaire, nous vous proposons de réfléchir à ce à quoi pourrait ressembler un nouveau contrat social entre l’élevage et la société. Selon Yves Michelin, ingénieur agronome, professeur et chercheur, il est urgent de repenser les systèmes d’élevage aux niveaux économiques, techniques, et sociologiques, tout en prenant en compte les attentes et le savoir-faire des éleveurs. Pour découvrir les perspectives éclairées de ce fin connaisseur des systèmes agricoles, rendez-vous sur ce lien.


IN CASE YOU MISSED IT

ELECTIONS FRANÇAISES • Avant la dissolution de l’Assemblée nationale, le Gouvernement comptait réduire le déficit public de 5,5% (2023) à 5,1% (2024) puis 4,1% du PIB en 2025. Cette trajectoire semble bel et bien révolue. 

  • Si aucune majorité ne se dégage dans l'hémicycle, un gouvernement technocratique pourrait faire passer un mini-budget, réduisant la dépense publique à hauteur de 5 milliards d’EUR, pour passer juste sous 5% de déficit en 2025. 

  • L’avènement d’un gouvernement d’extrême gauche ou d’extrême-droite porterait respectivement le déficit à 5,7% et 6% en 2025. Cela s’accompagnerait d’une hausse du spread sur les obligations assimilables du trésor (OAT)  ainsi que de nouvelles dégradations de la notation française par les agences.

  • L’euroscepticisme d’un gouvernement radical pourrait déclencher une crise de la zone euro. Elle passerait par une réduction des contributions françaises au budget européen, qui accentuerait l’incertitude en Europe via des effets de contagion.

Les marchés réagiront différemment selon l’hypothèse qui se réalisera.

  • Dans le scénario technocratique, le spread sur les OAT à 10 ans se situerait autour de 60 points de base (0,6%) à la fin 2024.

  • L’hypothèse des extrêmes mènerait à des spreads de crédit sur les entreprises proches de 200 (2,0%) points de base, avec une correction de 6% sur les marchés actions.

  • La crise de la zone-euro pourrait déclencher l’usage du Transmission Protection Instrument, qui permet le rachat de titres d’État pour faciliter le remboursement de la dette qu’ils ont contracté.

  • Quoi qu’il en soit, les charges d’intérêt sur la dette vont augmenter, à €1,3 Mds (2025) en cas de gouvernement technocratique, contre €2,7 Mds si une crise de la zone euro advenait.

BCE • La BCE donne rendez vous au gratin du monde économique et monétaire du 1er au 3 juillet à Sintra (Portugal), où se tient cette réunion annuelle. 

  • L’inflation au sein de la zone euro a ralenti à 2,5% en juin (en glissement annuel), mais les instances dirigeantes restent vigilantes quant à l’inflation élevée dans les services. Christine Lagarde s’est abstenue de commenter la trajectoire future des taux de la BCE et la situation politique française. 

  • Sans s'engager sur une baisse des taux US en septembre, Jérôme Powell de la Fed a évoqué un meilleur équilibre entre les risques liés à l'inflation et ceux liés au marché du travail. Il a décrit une situation économique caractérisée par un ralentissement progressif, des progrès sur l'inflation, un taux de chômage à 4% et une croissance à 2%.

A la suite des élections en France,  la BCE fait face à des spéculations croissantes concernant une possible intervention suite aux élections françaises, qui pourraient déclencher une panique sur les marchés financiers. Les obligations françaises ont déjà subi une vente massive, les investisseurs craignant une victoire des partis extrêmes.

  • Le ministre allemand des finances a mis en garde contre une intervention de la BCE, mais les observateurs scrutent le programme d'achat d'obligations de la banque centrale pour anticiper ses actions potentielles. Les inquiétudes portent sur une possible contagion à d'autres pays européens si la vente de dette française s'intensifie.

  • La BCE dispose de l'instrument de protection de la transmission (TPI) pour aider un pays en crise, mais son utilisation pour la France fait débat. Le critère clé serait de déterminer si la réaction du marché est "désordonnée".


LES LECTURES DE LA SEMAINE

  • Un excellent portrait de Kaja Kallas, la prochaine cheffe de la diplomatie européenne, proposé par Bloomberg. 

  • Article intéressant dans le Financial Times sur la façon dont les entreprises du Mittelstand allemandes ont franchi le rubicon pour conclure des contrats avec des sociétés d’armement, ce qu’elles s’interdisaient souvent de faire par le passé.